Quand mon minou est tout doux, il fait miaou
La dernière publicité de Veet aborde de façon novatrice la question de l'épilation féminine : elle fait référence de façon explicite à la sexualité. Alexie Geers analyse les partis-pris de l'opération.
NDLR : Suite à la polémique créée par le site “Mon minou tout doux”, Veet a décidé de suspendre sa campagne publicitaire.
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Ce matin, en faisant ma revue de presse quotidienne, je tombe sur l’article de Dariamarx, “Minou, Chou, Hibou, Caillou” et celui d’A dire d’elles “Quand mon minou est tout doux” au sujet de la nouvelle campagne de publicité Veet. Toutes les deux évoquent la nouvelle campagne de la marque intitulée étrangement “Mon minou tout doux”.
Vous aurez compris la métaphore de bon goût…
Le site Internet prend la forme d’un jeu dans lequel l’internaute peut choisir un “minou” et l’épiler grâce aux différents produits proposés. Après l’épilation, le “minou” épilé passe un test, celui du “matou” qui vérifie la bonne épilation de votre minou. Le matou considère à peu près à chaque fois que votre minou n’est pas assez épilé.
En images :
Cette campagne pour des produits dépilatoires évoque par le truchement de la métaphore la question de l’épilation intime. Pas d’aisselles ou de jambes à épiler mais bel et bien un minou, un chat ou plutôt une chatte.
Rien de bien nouveau dans la quête du glabre mais du nouveau dans la manière de l’aborder.
Dans les années 30 où apparait plus fortement le souci de l’épilation, on peut voir des publicités qui aujourd’hui nous font sourire “d’avant-après” (Pub Desfossés, juillet 33). Dans les années 60, “l’avant” a disparu et laisse place à l’après épilation, soit une peau lisse et brillante (Veet, mars 60).
Plus récemment, dans les clips publicitaires pour la télévision, des jambes lisses discutent entre elles (clip Veet, 2009) :
L’épilation, dans ces exemples, est liée aux aisselles, aux jambes, on peut trouver également des produits d’épilation pour le visage (sourcil, lèvres supérieures) mais encore jamais pour l’épilation intime. Ou plutôt : jamais vendus comme des produits pour l’épilation intime.
Pourtant la mode de l’épilation du pubis est loin d’être nouvelle : après avoir été appelée “épilation du maillot” évoquant le port du maillot de bain, l’épilation intime a pris de plus en plus d’ampleur, passant de la forme “brésilienne” à celle du “ticket de métro” pour arriver à l’épilation dite “intégrale”.
Cette nécessité de l’épilation créée par les rédactions de presse féminine pour conforter l’apparition sur le marché d’un nombre de produits dépilatoires toujours plus grand est devenue une nouvelle norme.
Et pourtant, alors que les produits vantés sont parfois destinés à ce type d’épilation, les publicités ne la citent jamais directement jusqu’à cette campagne Veet “Mon minou tout doux” : pour la première fois, la publicité évoque cette pratique jusqu’ici reléguée dans l’intimité.
Revenons à la forme de cette campagne. Il s’agit d’un jeu interactif dans lequel le pubis est symbolisé par un petit chat qu’il faut épiler à l’aide d’un des produits. Après l’opération, le matou, soit l’ordre masculin apporte son jugement sur l’épilation du minou. On note ici l’apparition de la figure masculine de la même manière que dans l’article d’Elizabeth Alexandre pour Marie-Claire “Gazon chéri : comment préfèrent-ils notre pubis ?”.
L’épilation intime est présentée non pas comme une pratique individuelle mais comme une pratique destinée à la gent masculine. Le jugement de l’épilation est sanctionné par la préférence des hommes-matous. Il n’est pas si fréquent, dans une publicité cosmétique, de mentionner directement le destinataire de l’opération de séduction. D’ordinaire, le bien-être de la femme est d’abord prôné, même si la séduction est le but final. Chez Veet et ses minous, aucune mention de la pratique féminine de l’épilation mais seulement sa destination.
À cela s’ajoute le choix de l’univers visuel, du rose bonbon, des petits animaux, une musique entêtante, qui n’est pas sans rappeler le jeu préféré des 5-8 ans, Littlest Pet Shop (figurines d’animaux). Jeux dont on peut voir une version sur Internet, sur le site Jeux 2 filles.
L’usage de produits dépilatoires s’adresse à une cible, certes larges mais d’adultes (plus ou moins) consentants tandis que le choix du jeu sur fond rose et petits nœuds semble évoquer l’univers (construit comme tel) de l’enfance.
Veet a fait le choix de la métaphore pour évoquer une pratique intime, ce qu’on peut assez bien comprendre puisque placarder des pubis glabres sur des affiches dépasserait les cadres de la loi. Cependant pourquoi avoir choisi des chatons enfantins ? Un jeu enfantin ? Des couleurs enfantines ? Une musique enfantine ?
Et plus qu’enfantin, un univers “petite fille” ? Car il s’agit bien de rose et de “jeux de filles”. Pourquoi faire de l’épilation du sexe féminin un jeu d’enfant ? Un jeu de petite fille ?
L’épilation des aisselles, du maillot ou des jambes appartiennent à la quête de beauté, à une recherche esthétique. Elle concerne le corps en société, le corps qui se dénude au début du siècle en même temps que se développe les loisirs de plein air. L’épilation du pubis est un peu différente puisqu’elle concerne le champ de la sexualité, cette pratique vient d’ailleurs de la pornographie où la pilosité est une exception à la norme du glabre.
Cette campagne est tiraillée entre l’hypersexualisation des enfants et l’infantilisation des adultes, l’une comme l’autre sont problématiques, même sous des dehors rose bonbon.
Au sujet de l’hypersexualisation des petites filles, voir :
- Crêpe Georgette : Vogue, petit matelot et Pedo Fashion
- Jean-Marc Manach sur Owni avec Des soutiens-gorges ampliformes … en taille 8 ans
Billet initialement publié sur L’appareil des apparences, un blog de Culture visuelle
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