Le populisme climatique
Le récent livre de Stéphane Foucart fait le point sur les dernières controverses et crises qui ont agité le milieu de la climatologie. Mais à qui s'adresse-t-il réellement ?
Étant donné que Paris ce week-end ressemblait, au niveau pluviométrique, à la ville dans laquelle se déroule Seven, j’ai eu tout le temps de lire le récent livre de Stéphane Foucart, Le populisme climatique (sous-titré : “Allègre et cie, enquête sur les ennemis de la science”). S. Foucart est journaliste scientifique au Monde, particulièrement intéressé par la question du changement climatique et les sciences du climat.
Un climat agité
Avec ce livre, l’auteur nous emmène à travers les détails et les dessous de la croisade climato-sceptique de Claude Allègre et Vincent Courtillot, à travers leurs écrits, leurs articles, leurs conférences, leurs interventions médiatiques, à travers aussi les épisodes à l’Académie francaise, au cours des dernières années ; mais pas seulement : le livre détaille aussi le Climategate, l’épisode de “chasse aux sorcières” qui s’est ensuivi dans la presse britannique avec les différents “-gates” et les attaques contre le GIEC ; l’univers des think tanks conservateurs américains financés par l’industrie et recrutant des scientifiques ad hoc pour “vendre” du doute préfabriqué (sur le tabac, l’amiante, les CFC… et maintenant le climat). J’en oublie certainement. Bref – c’est vrai qu’il y a du matériel à traiter.
Tout au long de ce parcours l’auteur s’attache à décrire et démonter les “arguments” (i.e., les erreurs ou les mensonges) du climato-scepticisme, les manipulations des uns et des autres, et porte un soin particulier à expliquer comment cette désinformation se propage – pour le dire vite : depuis Exxon jusqu’aux plumes d’intellectuels ou chroniqueurs censément “autorisés” dans la presse nationale, avec le rôle fondamental d’internet et de la blogosphère.
L’auteur parvient, malgré la lourdeur et le côté fasitidieux de l’exercice de “debunkage”, à faire le tour de la question de façon concise et convaincante (même si il est plusieurs fois obligé d’abréger le propos parce qu’expliciter “toutes les erreurs” de tel ou tel serait “trop fastidieux”) et parvient à nous transmettre une inquiétude visiblement sincère devant le processus fondamentalement “antiscientifique” qu’il décrit – quand ce n’est pas sa consternation devant la teneur des “débats” à l’Académie des Sciences, où sont ressortis (par des gens censément pointus scientifiquement) les poncifs climato-sceptiques les plus éculés.
Prêcher les convertis ?
Un livre intéressant, donc. Ma seule interrogation est celle du public visé : le niveau de détail de certains dossiers (les publications et les erreurs de Courtillot, les liens entre l’IPGP et EPSL, l’Académie ou le CNRS).
S’il est bien sur intéressant pour ceux qui ont déjà un peu suivi l’histoire, il risque d’en détourner ceux qui abordent la question en néophytes. De l’autre côté, bien entendu, les sceptiques convaincus (notez l’oxymore) n’y verront qu’une entreprise écolo-totalitariste de plus visant à défendre la pensée-unique, et rangeront S.Foucart aux côtés d’Al Gore et Nicolas Hulot parmi les khmers verts de la fraternité réchauffiste.
Finalement je recommanderais la lecture du livre à ceux qui ont déjà une connaissance minimale du sujet, et sont intéressés par la question de la controverse climatique et plus généralement des liens entre science et société (les lecteurs du C@fé des sciences ou d’OwniSciences par exemple !).
P.S. : Vous pourrez trouver des extraits ici, et un chat avec l’auteur (qui par moment éclaire tout à fait le propos même du livre).
>> Article intialement publié sur le blog de ICE.
>> Illustrations Flickr CC : misterbisson, JosephLeonardo
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