OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La chaîne alimentaire des médias http://owni.fr/2011/07/17/la-chaine-alimentaire-des-medias/ http://owni.fr/2011/07/17/la-chaine-alimentaire-des-medias/#comments Sun, 17 Jul 2011 15:53:40 +0000 Mary C Joyce http://owni.fr/?p=73884


Article initialement publié sur The Meta-Activism Project, repéré par OWNI.eu et traduit par Marie Telling. Sauf mention contraire, tous les liens de cet article sont en anglais.


Peu de dichotomies ont survécu au printemps arabe dans le monde des médias. Celle entre producteurs et consommateurs est déjà morte. Les blogs ont commencé la bataille il y a quelques années quand ceux qui étaient alors des lecteurs ont commencé à produire leur propre contenu. Aujourd’hui, ils créent du contenu partagé au sein de la communauté et relayé par les médias traditionnels. A quoi ressembleraient 24 heures d’infos sans des vidéos YouTube et des sources Twitter ?

La dichotomie entre anciens et nouveaux médias devient de plus en plus trouble. Oui, les médias sociaux sont nouveaux, fonctionnent en réseaux et en peer-to-peer, mais les médias traditionnels utilisent aussi ces protocoles et outils de partage. Des chaînes de télé internationales comme Al Jazeera fonctionnent en réseaux. Elles ne considèrent pas les médias sociaux comme des phénomènes marginaux mais comme des sources à part entière. Elles reconnaissent les citoyens comme des collaborateurs dans la fabrication de l’information, plus seulement comme des cameramen amateurs tributaires des professionnels pour valoriser leur travail.

Comment comprendre l’environnement médiatique du 21e siècle si celui-ci ne s’envisage pas en termes de dichotomie ? Une métaphore biologique est utile : celle du réseau trophique. « Trophique », vient du grec trophē – la nourriture – et fait référence aux mouvements et aux échanges de nutriments dans la nature. Une plante produit de l’énergie grâce à sa photosynthèse. Un rongeur mange la plante et absorbe son énergie. Le rongeur est ensuite mangé par un faucon ou un ours… ou meurt d’une attaque cardiaque.

Une dualité consommateur/producteur complémentaire et contemporaine

Pourquoi comparer l’environnement médiatique actuel à un réseau de chaînes alimentaires ? D’abord, l’information se comporte dans les médias comme la nourriture dans les chaînes : toutes deux sont des unités discrètes qui passent d’organismes en organismes, évoluant à chaque étape du processus, mais gardant des aspects essentiels de leur identité comme des images, des interprétations, des dates ou des histoires.

Ensuite, tout comme aucun organisme n’est uniquement un producteur ou un consommateur de nourriture, aucun média n’est uniquement un producteur ou un consommateur d’informations. L’herbe produit de l’énergie pour le lapin et consomme l’énergie du soleil. Un journaliste citoyen filme depuis son portable la vidéo d’une manifestation qui sera diffusée par une chaîne de télé quelques heures plus tard. Contrairement aux dichotomies mentionnées précédemment, qui sont mutuellement exclusives, la dualité entre consommateur et producteur est devenue complémentaire et contemporaine : chaque consommateur d’informations est potentiellement aussi un créateur d’informations, de celui assis sur son sofa au rédacteur en chef de journal.

Comme les chaînes alimentaires, les réseaux d’informations sont chaotiques et imprévisibles. Un cochon pourra être mangé par un ours (mais aussi par Mark Zuckerberg) ou bien mourir de vieillesse. De même, un tweet ou un post de blog pourra être repris par CNN, par quelques blogs locaux, ou ne jamais quitter son audience initiale. Les réseaux d’informations sont même plus chaotiques que les chaînes alimentaires. Une calorie ne peut être consommée que par un seul organisme au même moment, alors que chaque élément de contenu digital peut être copié infiniment et simultanément. Dans un environnement composé d’« organismes » médiatiques complexes et variés, le chemin qu’adoptera une information est difficile à prévoir… ou à contrôler.

Interconnexion et double nature de ses acteurs

Malgré le chaos, des catégorisations des chaînes alimentaires sont possibles et cela vaut aussi pour l’univers des médias. On retrouve deux types de consommation/production de l’information :

  • La nutrition autotrophique convertit la lumière du soleil en unités d’énergie utilisables par d’autres organismes. Dans la nature, les plantes sont autotrophes. Dans l’environnement médiatique, il s’agit de convertir des phénomènes physiques (événements, témoignages …) en informations utilisables. Il y a quelques années, seuls les journalistes professionnels pouvaient effectuer cette conversion. Il est maintenant de plus en plus simple d’enregistrer et de transmettre des informations. Tout le monde peut avoir un rôle d’autotrophe.
  • La nutrition hétérotrophique utilise l’énergie qui a déjà été transformée en forme utilisable par un autre organisme. Dans la nature, les animaux sont hétérotrophes. Dans l’univers médiatique l’hétérotrophie est la consommation d’informations créées par d’autres organismes. Comme quand vous lisez un post de blog ou écoutez une émission de radio. Ou comme lorsqu’un producteur de télé choisit une vidéo de citoyen pour son émission. La chaine hétérotrophique peut être très longue. Tout comme une calorie peut être transmise du soleil à une carotte à un lapin et vers un être humain, une information part d’un témoin, se transforme en post de blog, puis en tweet pour finir en article de presse. Chaque information peut prendre une multitude de chemins différents. On peut tracer ces unités sur des plateformes discrètes (voir les sets de données de tweets avec le hashtag #Jan25 sur Engine Room par exemple) mais nos méthodes d’analyses échouent dès lors qu’une information passe d’une plateforme à une autre ou d’un média à un autre.

Bien sûr, la symbiose n’est pas parfaite. Oui, les professionnels des médias auront tendance à agir en autotrophes et à convertir leurs propres informations. Oui, la plupart des citoyens seront plus enclins à consommer des informations existantes plutôt que d’en créer. Mais chacun peut choisir d’être autotrophe ou hétérotrophe à tout moment. C’est ce qui rend les choses intéressantes.

L’analogie entre chaînes alimentaires et médias résisterait-elle à une analyse plus détaillée des mécanismes spécifiques ? Bien sûr que non. Mais la métaphore est toujours intéressante pour décrire l’environnement médiatique de plus en plus inter-connecté et la double nature de ses acteurs.


Crédits Photo FlickR CC by-nc-sa NHBD

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Les blogueurs à la lumière de leur écran http://owni.fr/2011/06/26/les-blogueurs-a-la-lumiere-de-leur-ecran-gabriela-herman-photo/ http://owni.fr/2011/06/26/les-blogueurs-a-la-lumiere-de-leur-ecran-gabriela-herman-photo/#comments Sun, 26 Jun 2011 13:45:30 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=42969 Comment avez-vous commencé cette série ?

Je suis blogueuse depuis trois ans et avide lectrice de blogs, devenus ma première source d’information. Ils me nourrissent et me réconfortent. Aujourd’hui, les blogueurs sont même devenus très influents puisqu’ils présentent, analysent et filtrent l’information, ce qui n’était pas évident au départ. Certains sont respectés et reconnus dans leurs domaines de prédilection. Je voulais trouver une manière de travailler sur la connectivité à l’ère du numérique et sur la façon dont nous vivons et utilisons notre temps. Cette série montre comment depuis ces coins sombres, les blogueurs apportent une valeur ajoutée et changent la façon dont les gens interagissent dans le monde.

Quelle est votre vision des blogueurs ?

Je crois profondément que les blogueurs nous connectent et nous rapprochent. D’une certaine manière les blogueurs ont participé à inverser la tendance dans notre ère technologique en créant un échange authentique entre blogueur et lecteur. Bloguer c’est être une plateforme interactive, avec un dialogue qui permet l’établissement de relations online et offline. Le fait que la technologie isole est une question largement débattue, il y a indéniablement beaucoup d’effets positifs dans cette évolution du online.

Parlez-nous de votre mise en scène et de la façon dont vous avez travaillé avec les blogueurs.

J’ai commencé à photographier des blogueurs avec cette idée en tête : permettre aux spectateurs de jeter un oeil sur ces jardins secrets en utilisant les écrans comme seule source de lumière. Le principe était de commencer par un blogueur et de lui demander de m’en recommander un autre dans son blogroll. De la même façon que leurs blogs sont liés les uns aux autres en ligne, leurs portraits le seraient aussi. C’est à travers nos écrans, ces phares lumineux, que le monde s’ouvre et que nous nous retrouvons liés les uns aux autres.

En reproduisant ce concept online en offline, je recrée de façon similaire la relation entre blogueur et lecteur. En tant que photographe, je me suis retrouvé dans une position qui me permet de voir ces blogueurs pendant que je tire leur portrait, alors que eux ne me voient pas. Je n’avais pas réalisé ce qui était à l’oeuvre jusqu’à ce qu’un blogueur me le fasse remarquer : ma démarche reproduisait à l’identique cette interaction entre le blogueur et son public, dans le sens où les lecteurs peuvent les voir et savoir qui ils sont, alors qu’à l’opposé, les blogueurs savent peu de choses sur ceux qui les lisent.

Pensez-vous faire évoluer la série ? De quelle manière ?

J’ai commencé ce projet début 2010, mais je n’ai pas pu continuer les prises de vue à cause de mes déplacements. En fait, ça a été bénéfique de faire une pause et de pouvoir éditer les portraits de tous ces gens, et prendre du recul sur l’état du projet. Je suis actuellement en train de refaire des portraits. Je vois vraiment cette série finir en exposition.


Les portraits de blogueurs de Gabriela Herman ont été dénichés sur Fubiz La série complète est disponible sur son site. ©tous droits réservés

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Facebook: Keep It Simple! http://owni.fr/2011/02/23/facebook-keep-it-simple/ http://owni.fr/2011/02/23/facebook-keep-it-simple/#comments Wed, 23 Feb 2011 10:13:14 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=47917 Les marques se ruent sur Facebook. Pourquoi ? Parce que c’est là que leurs (futurs) consommateurs se trouvent. Et surtout, parce que la mécanique interactive y est parfaitement huilée, simple, efficace et extrêmement virale. Recréer cette dynamique à l’identique sur leurs sites corporate serait dispendieux, inefficace et constituerait une perte de temps incroyable. Pourquoi réinventer la roue alors que Facebook vous offre un train de pneus tout neufs pour véhiculer vos messages ?

Au cours des trois dernières années, j’ai exploré les différentes possibilités qui s’offraient à la RTBF de tirer parti de Facebook. Sachant que la plate-forme a fortement évolué durant ce laps de temps, voici quelques observations tirées de mon expérience.

Comment Facebook peut devenir utile

- Avant de vous lancer, fixez-vous des objectifs quantitatifs ET qualitatifs. “Faire du fan” n’est pas une option stratégique, juste un concours de quéquettes ridicule et stérile. Mais si votre DG marketing n’entend que ce langage, je connais quelques boîtes qui s’en sont fait une spécialité: certaines entretiennent même des “fermes” de fans et vous facturent systématiquement 10% de pub pour les activer au début de votre campagne. Effet bœuf garanti avec 20.000 fans dès J+1!

- Être sur Facebook s’envisage sur le long terme. Vous pouvez accumuler les “one-shots”, mais faites-le sur une page qui a été pensée pour durer. Habillez-là au plus près de votre site corporate, faites briller les chromes et gardez votre wall propre en séparant vos posts de ceux de vos fans;

- Ne survendez pas votre soupe. Une cuillère d’auto-promo de temps en temps est bien plus efficace qu’une grosse louche tous les matins.

- Animer une page, c’est un peu comme animer un camp de vacances. C’est un travail d’équipe qui nécessite de pouvoir se reposer sur vos collègues pour tenir le coup sur la longueur. Variez les activités. Des quizz, des concours et des jeux avec beaucoup de cadeaux pour beaucoup de gagnants. Des discussions au coin du feu, pour le plaisir. Des trucs simples, sans devoir cliquer 8.012 fois ou devoir donner accès à son profil in extenso pour participer. Vivez avec vos fans, pas à leurs dépends.

- Ne dévoyez pas le like. Facebook n’aime pas ça du tout. Je ne compte plus les pages supprimées – parfois de grands comptes – parce que leurs fans devaient envoyer des photos et voter en “likant” les meilleures. Good Idea, Bad Execution.

- Monitorez vos stats. C’est assez chiant, je sais, mais c’est le seul moyen d’objectiver votre action. Et dans bien des boîtes, le langage des chiffres est encore celui que votre boss comprend le mieux.

- Facebook fonctionne comme un club exclusif dont les membres s’attendent à être privilégiés. Faites du “couponing” quand ils s’abonnent à votre page, récompensez-les quand ils rameutent leurs amis, félicitez-les quand ils le méritent (anniversaire, naissance, nouveau job)… Placez-vous à la hauteur de ce qui compte vraiment pour eux, ce qui ne signifie certainement pas vous abaisser, bien au contraire. Créez des événements, rebondissez sur l’actualité.

- Donnez à voir, à entendre, à lire, tout ce qui peut permettre à vos fans de comprendre l’état d’esprit dans lequel vous/votre boîte se trouve à l’heure actuelle. Faites des vidéos, comme vos fans. A l’arrache et à l’instinct, juste pour le plaisir de partager des bons moments. Et pas pour singer la téloche avec une femme-tronc devant un décor cheap derrière la cafétéria ! Idem pour les photos.

Oser le “lâcher prise”

Prendre le risque de la conversation en ligne, c’est prendre le risque de partager, d’échanger, de ne pas créer de monétisation immédiate et un retour sur investissement sans doute à très long terme. S’il a lieu. C’est prendre le risque du poteau dans la gueule une ou deux fois, comme quand on apprend à rouler à vélo.

C’est prendre le risque de ne pas forcément toucher le public que l’on souhaitait, et de s’adapter à celui qui répond quand même présent. C’est mettre nos égo dans nos poches et réapprendre l’humilité propre à ceux qui débarquent dans un univers qui n’est pas le leur, même s’ils ont bigrement contribué à le créer, parfois à leur corps défendant dans le cas des médias. C’est accepter d’essayer d’aller bien alors qu’on voudrait surtout aller vite …

Accompagner les conversations sur des espaces monitorables pour nos marques, dans ces “chez nous” virtuels au sein de Facebook, est un travail remis sans cesse en question. Parce que les usages changent plus vite que les mentalités et les business modèles. Parce que le changement fait peur et qu’il est contraignant. Mais le potentiel est tellement grand, le champ d’expérimentation tellement large qu’il faut pouvoir se jeter à l’eau même si la barque n’est pas tout à fait stable. C’est ce qui fait la beauté de ce sport, son incertitude et son excitation.

Vous pouvez retrouver les autres articles associés: Pourquoi les réseaux sociaux sont vitaux pour les artistes et Medias sociaux : objectif thune
Image de Une: Copyright Fotolia

Illustration Flickr CC Jeff Casillas et Pascal

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Médias Sociaux: Objectif Thune? http://owni.fr/2011/02/23/medias-sociaux-objectif-thune/ http://owni.fr/2011/02/23/medias-sociaux-objectif-thune/#comments Wed, 23 Feb 2011 10:02:27 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=47906 Vendre du customisé goûtu plutôt que du standard lyophilisé, adresser des messages pertinents au compte-goutte plutôt que de vomir du “pack-shot 4 ans et +” à la grosse louche, intégrer le feedback de ses utilisateurs dans les process “qualité”  plutôt qu’à à la rubrique “frais d’avocat”… il aura fallu vingt ans à l’Industrie pour percuter que les conversations entre individus pouvaient s’avérer bankables.

e-Marche. Ou Crève

L’avènement du web comme une gigantesque bourse d’échanges d’opinions entre consommateurs pro-actifs ne lui laisse pas le choix. La brèche ouverte il y a trente ans s’est élargie grâce aux forums d’abord, aux blogs ensuite, et est à présent complètement dilatée par Facebook et les réseaux sociaux.

Les pratiques commerciales, que l’on vende des savonnettes ou des arbres morts imbibés d’encre, mutent génétiquement, durablement et à une vitesse ko-lossale. Et s’en convaincre n’est pas chose aisée, surtout quand votre business model repose sur la certitude de votre bon droit à faire du pognon avec des produits dont les individus n’ont pas vitalement besoin. Soit environ 90 % des rayons de nos supermarchés occidentaux, y compris ceux 100 % en ligne.

L’Industrie globalisée a déifié l’immédiateté du retour sur investissement. Plus que jamais, pas un kopeck ne sort sans qu’il n’en rapporte 2 (ou 3 ou 1.000) dans le mois, au pire dans l’année, selon des processus de décision et de communication éprouvés et, croyait-on, bien mesurés. Dans l’univers top-down des DG en silos, il suffisait de saturer “son” audience de messages positifs, quitte à la tromper sciemment, pour que cette autorité auto-proclamée rassure le système du bien-fondé de son existence même. “La loi de l’offre et la demande” inscrite au frontispice de Wall Street ne signifiait rien d’autre que “nous savons ce qui est bon pour vous. Consommez et fermez-la”.

Oui mais voilà, le web, de par sa nature même, a rendu ces processus verticaux improductifs, voire sclérosants. L’interconnexion des individus, selon le principe de “une adresse ip – une voix”, et la neutralité jusqu’ici préservée des tuyaux physiques, ont révélé toute l’impuissance du système à formater des comportements sur base d’une autorité mal acquise. Et pas de chance, on ne vend ni n’achète la confiance, cette denrée qui peut prendre une vie à construire et une seconde à détruire, et qui constitue pourtant, avec l’empathie, le coït et les moules frites, l’essence même de notre humanité.

Face à ce réchauffement systémique dû aux frictions permanentes des individus sur la Toile, l’Industrie n’a d’autre choix que de se mettre à l’écoute de ses plus vifs contestataires. “Parce que, in fine, un gars qui gueule sur Twitter contre la programmation de sa radio, c’est que quand même, quelque part, il l’apprécie et se reconnaît en elle.”

Vers une économie de l’Intention

Jamais la technologie n’a été aussi puissante et les outils aussi nombreux pour monitorer l’activité des individus en ligne. Mais mettez bout à bout tous les Watson du monde et vous verrez de quelle utilité ils vous sont pour faire l’amour à votre femme, réconforter vos enfants ou accompagner un ami en fin de vie…

Tous les secteurs ou presque de l’Industrie switchent, un par un, de gré ou de force, mais toujours au détriment de ses intermédiaires incapables de faire approuver leur utilité par une “communauté d’intérêts” au sein des publics de l’interweb. Les autres, ceux qui ont compris que le pair-à-pair dynamisait leurs marchés plutôt que de les dynamiter, montent en puissance sans un regard aucun pour les dinosaures en train de suffoquer sous leur propre poids.

De nouveaux services aux publics naissent chaque jour, organiquement, et comblent ces vides conversationnels abandonnés par l’Industrie (et, au passage, la Démocratie) qui, trop occupées à curer de façon palliative leur entropie et leurs sinistres hiérarchies, en oublient de défendre des visions d’avenir pour les individus à qui, en principe, elles sont censées s’adresser.

Car c’est bien de cela dont il s’agit. Derrières vos façades siliconées et vos PR encostumés, fussent-ils élus, vers où nous emmenez-vous ? Do you have a dream ? Et si oui, pourquoi n’en parlez-vous pas ?

Mon paternel, qui aurait pu faire fortune sur le dos de ses patients, a préféré se placer à leurs cotés en leur demandant quel était le poids qu’ils portaient pour ainsi courber l’échine. Manipuler une vertèbre pour les aider à relever la tête et leur redonner envie d’être en vie. Regarder loin, c’est déjà y mettre un pied. Fixez vos métacarpes et c’est la gamelle assurée.

Demain, tous matelots ?

Si j’en crois Wikipédia, “Vivre d’industrie“ signifie “trouver moyen de subsister par son adresse et par son savoir-faire“.  À l’heure des réseaux, cette subsistance passe par la capacité à effectuer ce saut vers les inconnus qui expriment, parfois vertement, aux capitaines du 21e siècle leurs aspirations quant à la direction et la cadence du navire dans lequel ils ont grimpé en effectuant l’acte d’achat de leur ticket d’embarquement. Tout comme se croire paquebot lorsque l’on n’est que rafiot, les ignorer, c’est prendre le risque d’une mutinerie qui enverra pour sûr l’esquif par le fond.

Enfin, pour votre gouverne, si les pirates des temps modernes se saoulent d’HTML, c’est sans doute parce qu’ils ont compris que la faiblesse des pratiques commerciales, médiatiques et politiques résidait précisément dans leur code génétique qui, faut-il encore le répéter, est en mutation. En les prenant à son bord (et pas en les envoyant par-dessus) et en laissant agir leur fougue créatrice, l’Industrie peut s’offrir une bouffée d’air pur innovant, qui agira comme un antibiotique face à ce désespérant cancer du tout-maintenant-tout de suite.

Les patrons des industries de demain seront ceux qui auront réussi à combiner les talents technologiques, à canaliser les énergies renouvelées des conversations entre êtres humains, à générer de la valeur ajoutée en incluant plutôt qu’en excluant les caractères dissonants et à gagner de l’argent en étant capables de se regarder le matin dans le miroir. Parce qu’ils auront la certitude d’avoir été utiles, vraiment.

Vous pouvez retrouver les autres articles associés: Facebook, keep it simple et Pourquoi les réseaux sociaux sont vitaux pour les artistes

Illustrations Flickr CC Eole, Haigil30 et Gadl.
Image de Une: Copyright Fotolia

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Petite expérience de laboratoire sur l’information d’aujourd’hui http://owni.fr/2011/02/08/petite-experience-de-laboratoire-sur-l-information/ http://owni.fr/2011/02/08/petite-experience-de-laboratoire-sur-l-information/#comments Tue, 08 Feb 2011 17:00:49 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=45535 Prenez une bonne centaine de blogueurs, de spécialistes des médias et des réseaux sociaux, enfermez-les une grosse heure avec un spécialiste des médiaux sociaux, en l’occurrence Clay Shirky, laissez-les twitter pendant la séance, attendez qu’ils interviewent, puis bloguent leurs compte-rendus, commentaires et réflexions… Vous obtenez au bout du compte une parfaite expérience en laboratoire de ce qu’est l’information aujourd’hui, comment elle se construit et se diffuse.

Ce mardi 1er février 2011, vers 10 heures du matin, j’ai longuement hésité avant de cliquer sur le bouton bleu pour « publier » mon post rendant compte de la conférence de Clay Shirky, qui s’était tenue la veille chez Microsoft. Mon interrogation était la suivante: était-il nécessaire de publier ce compte-rendu alors que déjà plusieurs autres avaient déjà été publiés, et que la veille le débat avait été largement tweeté? Bref, la sensation très désagréable d’arriver « comme les carabiniers ». Du coup, il m’a semblé nécessaire de réfléchir à ce qu’est l’information à l’ère de l’instantanéité de sa production et de sa diffusion. Il m’est apparu que la conférence de Clay Shirky était un moment « chimiquement pur », une expérience de laboratoire, qui permettait cette réflexiion

Tout d’abord, le champ et le lieu de l’expérience. Nous sommes entre 100 et 150 personnes [un public en large majorité masculin] réunies ce 31 janvier à 8h30 du matin, dans la salle de conférence d’un immeuble neuf, à Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne. Nous sommes chez Microsoft. L’invitation a circulé sur Facebook. On lit ici l’importance prise par les réseaux sociaux, en particulier Facebook, pour l’organisation de ce type de manifestation, en particulier si l’on souhaite élargir le public que l’on veut toucher. Mais ici j’enfonce une porte ouverte.

Pour un journaliste, oublier son smartphone est désormais une faute professionnelle

Plus intéressant, le public, ou plus précisément les participants qui ont twitté pendant la conférence. J’en ai recensé 69, dont seulement 16 journalistes [apologie: j'ai fait baisser la moyenne "journaliste", n'ayant pas mon smartphone sur moi; je considère d'ailleurs avoir commis de ce fait une faute professionnelle]. L’éventail des métiers représentés est très large, puisqu’on trouve pêle-même, des designers, des spécialistes du SEO, des « trend trackers », des community managers, des web marketing managers, des analystes en médiaux sociaux, des chefs d’entreprise…

L’information produite pendant la conférence —appelons-là « information instantanée », ou « information brute »— l’a donc été essentiellement par des non journalistes. Pourtant, tous les tweets que j’ai lu —et relu— en les confrontant à mes notes, me paraissent de bonne qualité. Les phrases de Clay Shirky, ses expressions ont toujours été relevées et citées de manière précise et les commentaires toujours appropriés. La coproduction de l’information selon un mode Pro-Am [comprendre journalistes professionnels et non journalistes] s’est avérée dans ce cas précis fructueuse et efficace. Sans doute, pourra-t-on dire qu’il est difficile de généraliser le constat dressé à cette occasion: le public venant assister à une conférence de Clay Shirky en anglais est un public averti.

Il n’empêche, dans la production d’information brute, les journalistes ont perdu leur monopole. Ils sont concurrencés en qualité et en rapidité. Peut-être est-ce là encore enfoncer une porte ouverte, mais je ne suis pas certain que tous les journalistes aient intégré cette réalité.

69 personnes totalisent 190.000 followers

Le plus spectaculaire tient sans doute à la diffusion massive de cette information. Les 69 personnes qui ont twitté pendant cette conférence rassemblent quelque 190.000 followers! Un chiffre énorme. Il l’est d’autant plus qu’il faudrait aussi prendre en compte dans un deuxième temps, les retweets, et recenser aussi les followers des personnes qui retweetent. Bref, analyser les « ondes d’informations » qui se propagent ainsi, de retweet en retweet, sur l’Internet, et qui se diffusent dans des réseaux distincts [même s'ils se chevauchent en partie]: marketing, spécialistes du SEO, publicitaires, community managers, journalistes, etc.

Bien sûr, il faut relativiser. Les 190.000 followers n’avaient pas tous le nez collé sur l’écran de leur smartphone ou de leur ordinateur (ou de leur tablette) pendant toute la durée de la conférence. Mais qu’importe, cela illustre à quel point Twitter est devenu un outil majeur de diffusion de l’information. À quel point aussi une poignée de personnes en raison du nombre de leurs followers sont devenues des « médias à elles seules ». C’est le cas de MissPress avec ses 50.000 followers, d’Alice Antheaume qui en compte près de 44.000 et de Versac qui « plafonne » à 32.000. Les 66 autres twitternautes que j’ai recensé ne comptaient « que » 63.000 followers. Un chiffre qui masque de grandes disparités: 16 comptent moins de 100 followers et 5 plus de 4.000 followers.

Les blogueurs entrent en piste

Lorsque s’achève la conférence de Clay Shirky, l’information est donc déjà produite et largement diffusée [et je ne parle pas des "live vidéos", qui permettent aussi de diffuser l'information en direct]. Il s’agit certes d’une information brute, qui mérite d’être complétée et mise en perspective, mais le temps n’est plus à l’information instantanée; les blogueurs entrent en piste.

Il se trouve que tous ceux que j’ai recensé [Alice Antheaume, Gilles Bruno, Francis Pisani, Eric Scherer et Vincent Truffy] sont journalistes, mais les compte-rendus seront tous publiés sur des blogs et non sur des sites, à l’exception de celui de 20 Minutes. L’explication en est simple: les notions et concepts abordés par Clay Shirky, en dépit de ses talents de pédagogue, sont relativement complexes et difficilement transmissibles au grand public.

En fait, un compte-rendu de cette conférence, trouvait plus facilement [je serais tenté de dire "plus naturellement"] sa place sur un « blog expert » que sur un site, y compris dans la rubrique médias. Mais cet « aiguillage » n’est pas neutre: elle traduit de la part des sites d’information soit un renoncement à s’emparer d’une information complexe pour la porter à la connaissance du grand public [ce à quoi n'a pas renoncé 20minutes.fr], soit plus prosaïquement la décision de ne pas traiter une information jugée mineure face une actualité débordante [ce jour-là le trône de Moubarak chancelait].

La difficulté —sur un site— tient en effet à trouver « un angle » qui permette de traiter cette information complexe et jugée « mineure » [la question de la hiérarchie de l'information mérite un post et un débat], mais intéressante, avec l’actualité. C’est à cette difficulté que s’est confronté 20minutes.fr, qui après avoir « ouvert » l’entretien vidéo avec Clay Shirky par une question sur les lolcats, a ensuite enchaîné par des questions sur les libertés sur Internet et sur l’impact du web sur la politique et la manière de gouverner, avec en illustration les événements d’Égypte, et la décision du gouvernement de ce pays de « couper l’Internet ».

Il n’est plus question de fidélité. Seule compte la rapidité

Sur un blog, il en va différemment, puisque le blogueur est seul maître de ses choix et surtout s’adresse à un public a priori intéressé par les sujets abordés, et qui souvent a une expertise proche ou équivalente de la sienne (si ce n’est supérieure).

C’est ici qu’entre en jeu un autre élément du système d’information tel qu’il fonctionne à l’heure actuelle.

Imaginons un internaute lambda, intéressé par la question des médias. Il suit donc un certain nombre de blogs spécialisés. Il sera abonné à leurs flux RSS et suivra sur Twitter les blogueurs spécialisés. Dès le matin du 31 janvier, il aura donc été informé de l’essentiel des propos de Clay Shirky. Il va attendre un compte-rendu, et peu importe qui le produise. En situation de concurrence parfaite [ce qui est le cas à propos du compte-rendu de la conférence de Clay Shirky] il lira celui qui sera mis en ligne le premier.

Ceci n’est pas une question de fidélité à tel ou tel blog ou tel tel auteur en particulier, mais au fait que l’information est désormais automatiquement diffusée sur les réseaux sociaux [Twitter et Facebook notamment] qui jouent une rôle d’alerte. Par le jeu des flux RSS, des tweets et des retweets, notre internaute saura donc quasi instantanément qu’un compte-rendu de la conférence a été publié, et il lui suffira de cliquer sur un lien, pour obtenir l’information [dans ce cas un compte rendu].

Il faut donc se représenter qu’aujourd’hui, dans un un système d’information partagée, lorsque l’on est le cinquième à publier un article sur le même sujet on est pas ou peu et mal lu. L’effet de fraîcheur est perdu. L’internaute aura inévitablement un sentiment de redite. C’est pour cette raison que ce mardi 1er février au matin, j’ai longuement hésité à publier mon post sur la conférence de Clay Shirky.

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Publié initialement sur le blog de Marc Mentré, The Media Trend, sous le titre “La conférence de Clay Shirky, une expérience de laboratoire sur l’information aujourd’hui”
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Crédits photos via Flickr: Clay Shirky par Joi Ito, cc-by ; Clay Shirky à la conférence d’Issy-les-Moulineaux par Samuel Huron, cc-by-nc-nd ; Twitter by Tsevis, cc-by-nc-nd

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Quelle philosophie est inscrite dans Facebook? http://owni.fr/2010/12/27/quelle-philosophie-est-inscrite-dans-facebook/ http://owni.fr/2010/12/27/quelle-philosophie-est-inscrite-dans-facebook/#comments Mon, 27 Dec 2010 10:35:58 +0000 Xavier de la Porte http://owni.fr/?p=40055 La lecture de la semaine, il s’agit d’un article de Zadie Smith, qui vient de paraître dans la New York Review of Books [en]. Zadie Smith est une jeune écrivaine britannique, dont le premier roman, Sourire de loup, avait connu un succès mondial et parfaitement mérité. Elle signe pour la New York Review of Books un excellent papier sur The Social Network, le film de David Fincher qui raconte la naissance de Facebook. Comme tous les papiers de la New York Review of books, celui-ci est très long, je vous incite tous à le lire dans son intégralité, tant il est intelligent et drôle, je ne vous en donnerai qu’un aperçu.

Zadie Smith fait une longue et très fine critique du film de Fincher, mais, après avoir raconté qu’elle était étudiante à Harvard à peine 9 ans avant Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, elle dit ressentir une forme de malaise devant le monde qu’est en train de fabriquer sa génération. Et essaie de comprendre pourquoi.

“Vous voulez être pleine d’optimisme pour votre génération. Vous voulez aller à son rythme et ne pas vous effrayer de ce que vous ne comprenez pas. Pour le dire autrement, si vous vous sentez mal à l’aise dans le monde qu’elle fabrique, vous voulez avoir une bonne raison pour l’être. Le programmeur de génie et pionnier de la réalité virtuelle Jaron Lanier [en] n’appartient pas à ma génération, mais il nous connaît et nous comprend bien. Il a écrit un livre court et effrayant, You’re not a Gadget, qui fait écho à mon malaise [...]. Lanier s’intéresse à la manière dont les gens se réduisent pour faire d’eux-mêmes une description informatique qui leur semble la plus appropriée. “Les systèmes d’information, écrit-il, ont besoin d’information pour fonctionner, mais l’information sous-représente la réalité.”

La vie devient une base de données

Dans la perspective de Lanier, reprend Zadie Smith, il n’y a pas de parfait équivalent informatique à ce qu’est une personne. Dans la vie, nous en sommes tout à fait conscients, mais dès qu’on est en ligne, on l’oublie facilement. Dans Facebook, comme dans tous les autres réseaux sociaux, la vie devient une base de données. C’est une dégradation, qui, selon Lanier est “fondée sur une erreur philosophique la croyance que les ordinateurs d’aujourd’hui puissent représenter la pensée humaine ou les relations humaines”.

“Instinctivement, reprend Zadie Smith, nous connaissons les conséquences de cette réalité, nous les sentons. Nous savons qu’avoir cent amis sur Facebook, ce n’est pas comme dans la vraie vie. Nous savons que nous utilisons le logiciel pour nous comporter vis-à-vis d’eux d’une manière qui est particulière et superficielle. Nous savons ce que nous faisons “dans” le logiciel. Mais savons-nous, sommes-nous prévenus, de ce que le logiciel nous fait à nous ? Est-il possible que ce que les gens se disent en ligne “devienne leur vérité” ? Ce que Lanier, qui est un expert en logiciel me révèle à moi, qui est idiote en la matière, est sans doute évident pour tout expert en informatique : le logiciel n’est pas neutre. Différents logiciels portent en eux différentes philosophies et ces philosophies, dans la mesure elles sont ubiquitaires, deviennent invisibles.”

La question est évidemment : quelle philosophie est inscrite dans Facebook ? Et Zadie Smith s’inquiète par exemple de l’Open Graph de Facebook, une application qui permet de voir en un instant tout ce que nos “amis” sont en train de lire, de regarder ou de manger, dans le but de pouvoir faire comme eux. Elle s’inquiète du fait qu’il y a dans la philosophie de Facebook une crainte générationnelle : celle de ne pas être comme les autres, une crainte de ne pas être aimé.

“Quand un être humain devient un ensemble de données sur un site comme Facebook, reprend Zadie Smith, il est réduit. Tout rapetisse. La personnalité. Les amitiés. La langue. La sensibilité. Dans un sens, c’est une expérience transcendante : on perd nos corps, nos sentiments contradictoires, nos désirs, nos peurs.”

Une nation sous format

“Avec Facebook, poursuit Zadie Smith, Zuckerberg semble vouloir créer une sorte de Noosphere, un Internet avec un seul cerveau, un environnement uniforme dans lequel il n’importe vraiment pas de savoir qui vous êtes, du moment que vous faites des choix (ce qui signifie, au final, des achats). Si le but est d’être aimé par de plus en plus de gens, tout ce qui est inhabituel chez quelqu’un doit être atténué. Facebook serait une nation sous format.”

Et il est important, selon Zadie Smith qui prend là les termes de Lanier, de savoir dans quoi on est enfermé. Or, écrit Zadie Smith, “Je crois qu’il est important de se rappeler que Facebook, notre interface chérie avec la réalité, a été créé par un étudiant de Harvard avec des préoccupations d’étudiant de Harvard. Quelle est votre situation amoureuse ? (Choisissez-en une. Il ne peut y avoir qu’une seule réponse. Qu’on se le dise) Avez-vous une vie ? (Prouvez-le. Postez des photos) Aimez-vous ce qu’il faut aimer ? (Faîtes une liste. Ce qu’on doit aimer incluant : des films, des groupes de musique, des livres, des émissions de télé, mais pas l’architecture, des idées, des plantes.)”

La personne mystère, espèce en voix de disparition ?

“Mais, reconnaît Zadie Smith, j’ai peur de devenir nostalgique. Je rêve d’un web qui nourrisse un genre d’être humain qui n’existe plus. Une personne privée, une personne qui reste un mystère aux yeux du monde et – ce qui est plus important encore – à ses propres yeux. La personne mystère : c’est une idée de l’humain qui est certainement en train de changer, qui a peut-être déjà changé.”

“Ne devrions-nous pas faire la guerre à Facebook ? se demande Zadie Smith. Tout y est réduit aux proportions de son fondateur. C’est bleu, parce qu’il s’avère que Zuckerberg est daltonien. On peut poker parce que ça permet aux garçons timides de parler aux filles dont ils ont peur. On donne des infos personnelles parce que Mark Zuckerberg pense que l’amitié, c’est l’échange d’infos personnelles. Facebook est bien “une production de Mark Zuckerberg”. Nous allons bientôt vivre en ligne. Ça va être extraordinaire. Mais à quoi va ressembler cette vie ? Regardez cinq minutes votre mur Facebook : est-ce que ça ne vous semble pas, tout à coup, un peu ridicule ? Votre vie réduite à ce format ?”

Sa conclusion The Social Network n’est pas le portrait cruel d’une personne réelle qui s’appelle Mark Zuckerberg. C’est le portrait cruel de nous tous : 500 millions de victimes consentantes, emprisonnées dans les pensées insouciantes d’un étudiant de Harvard.”

Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission, publiée également sur InternetActu.
Image CC Flickr Andrew Feinberg, boltron- et ♥KatB Photography♥

L’article de Zadie Smith sur The New York Review of Books, “Generation why?”


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http://owni.fr/2010/12/27/quelle-philosophie-est-inscrite-dans-facebook/feed/ 10
Les élections de 2012 se gagneront sur les réseaux sociaux (ou presque ?) http://owni.fr/2010/12/26/les-elections-de-2012-se-gagneront-sur-les-reseaux-sociaux-ou-presque/ http://owni.fr/2010/12/26/les-elections-de-2012-se-gagneront-sur-les-reseaux-sociaux-ou-presque/#comments Sun, 26 Dec 2010 14:33:30 +0000 Christophe Ramel http://owni.fr/?p=39939 En parler n’avait pas suffi en mai 2007. La faible notoriété des réseaux sociaux à l’époque (moins de 700.000 Français inscrits sur Facebook, à peine quelques milliers sur Twitter) n’avait pas été perçue comme une menace (ou dans le meilleur des cas, comme une opportunité) par les différents partis politiques, et très clairement, la bataille des urnes se gagnait plutôt à coup de débats télévisés, de meetings et d’opérations de street marketing (via des tracts, notamment). Les élections sénatoriales du 2 novembre 2010 aux États-Unis ont cependant donné un avant-goût de ce que l’on pourrait connaître courant 2012, lors des prochaines élections présidentielles en France. Les réseaux sociaux ont en effet joué un rôle relativement important dans un pays où l’on estime que 42% des 18-24 ans sont influencés par les réseaux sociaux (selon Echo Research).

Il fut un temps ou les électeurs ne se nourrissaient que des dires des médias traditionnels, en particulier la télévision, et donc à travers un seul écran. Aujourd’hui, les citoyens se focalisent de plus en plus sur les données accessibles via plusieurs écrans, à savoir la télévision, mais également leur ordinateur ou leur téléphone portable. Ces nouveaux médias offrent de nouvelles opportunités, et une récente étude confirme son poids : selon Echo Research toujours, près de la moitié des Américains sont allés se renseigner sur les différents politiciens sur les réseaux sociaux, faisant ainsi de cette source celle qui enregistre la plus forte croissance en terme d’influence par rapport aux dernières élections présidentielles de 2008. Facebook et Twitter ne jouissent désormais plus seulement des répercussions d’un effet de mode : ils doivent faire partie intégrante d’une campagne électorale.

Si ces réseaux sont aussi attractifs à première vue, c’est surtout parce qu’ils permettent de mêler nouvelles méthodes de communication et propagation auprès de différentes sphères sociales. Facebook permet par exemple non seulement de présenter un argumentaire ou une prise de position à son entourage, mais également de dialoguer, de partager, d’échanger des points de vue avec des amis ou les amis de ses amis. Autrefois particulièrement attentistes et spectateurs, les citoyens deviennent peu à peu des acteurs d’une campagne, capables de véhiculer un message et de l’argumenter auprès de centaines d’autres individus. Ne dit-on pas que Twitter est le pouls de la nation ? Les principaux acteurs des différents médias traditionnels l’ont d’ailleurs bien compris, et ont pour la plupart élaboré des présences sur les réseaux sociaux.

Outre cette approche plutôt théorique, les chiffres et les différentes actions parlent d’eux-mêmes. Aux États-Unis toujours, le 3ème débat télévisé en 2010 a généré 154.342 tweets relatifs à différents termes proches du débat sur Twitter, soit près de 27 tweets par seconde, par 33.095 individus, selon le compte Twitter officiel @Tweetminster. Sur Facebook, des groupes pro-Républicains ont rassemblé jusqu’à 136.000 personnes, jusqu’à 126.000 pour les pro-Démocrates. The Washington Post a acheté la tendance de recherche promotionnelle « #Elections », le New York Times a créé une cartographie [en] affichant le tracking des discussions au sujet des différents prétendants, Twitter a appelé à l’utilisation des hashtags #Votereport et #NYCvotes, Foursquare a créé le badge « I voted », une application Facebook a été spécialement conçue afin d’appeler les plus réticents à voter et Facebook a appelé au vote et proposé un outil de localisation du bureau de vote le plus proche de chez soi.

Cependant, bien que cela puisse paraître alléchant à première vue pour les différents partis politiques, les chances pour que les réseaux sociaux jouent un rôle aussi important en France sont toutefois à relativiser. Tout d’abord, le taux de pénétration de ces réseaux dans les ménages de l’Hexagone est à relativiser. Selon une récente étude de Karalys, seuls 225.000 des 150 millions d’inscrits à Twitter sont français, pire, seuls 18 à 35.000 d’entre eux seraient actifs. Or, très clairement, une élection présidentielle se joue très rarement sur quelques dizaines de milliers de votes. Facebook, de son côté, reste très utilisé mais peine encore à séduire les différents acteurs francophones : l’UMP rassemble aujourd’hui moins de 6.500 fans, le Parti socialiste 12.600, et rien ne garantit que des efforts seront apportés d’ici à 2012.

Un indicateur pas très fiable

Parallèlement, l’histoire nous montre que les réseaux sociaux ne sont pas toujours très représentatifs et que des prévisions issues des différentes discussions ou de la taille des communautés s’avèrent périlleuses. Par exemple, en 2008, Obama avait plus de 2 millions de fans sur Facebook contre 600.000 pour son adversaire McCain, 112.000 followers contre 4.600 pour McCain sur Twitter (selon les auteurs de Throwing sheep in the boardroom: how online social networking will change your life). Pouvait-on alors supposer que bien plus supporté, il jouirait probablement d’une victoire relativement facile ? Il ne gagnera finalement qu’avec 52,9% des voix, ce qui mène à penser que même en politique, « la taille ne compte pas » sur les réseaux sociaux. Les principaux partis politiques français sauront-ils alors prendre soin de se tourner vers des indicateurs (et donc des méthodes) plus pertinents ?

La victoire d’Obama a clairement été boostée par ses nombreuses campagnes d’emailing qui ont généré un nombre très important de petites dotations indispensables pour payer les publicités à la télévision. La logique voudrait donc que d’ici au premier trimestre 2012, différents prétendants élaborent des présences sur Facebook et sur Twitter, mais sans forcément faire reposer leur stratégie globale sur celles-ci. Bien que plus utilisés qu’en 2007, ces réseaux devraient donc jouer un rôle moins important que l’on ne pourrait le souhaiter, à moins que l’art de la persuasion via les plateformes sociales soit profondément accentué ces prochains semestres. Quel est votre avis sur le sujet ? Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry pourraient-ils par exemple créer la surprise et redorer le blason de la gauche dans le cœur des français via Facebook et Twitter ?

Billet initialement publié sur My community manager ; Christophe Ramel tient le blog kriisiis.fr

Image CC Flickr clementine gallot et Zooomabooma

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http://owni.fr/2010/12/26/les-elections-de-2012-se-gagneront-sur-les-reseaux-sociaux-ou-presque/feed/ 36
Journalisme et réseaux sociaux: 11 tendances pour 2011 http://owni.fr/2010/12/21/journalisme-et-reseaux-sociaux-11-tendances-pour-2011/ http://owni.fr/2010/12/21/journalisme-et-reseaux-sociaux-11-tendances-pour-2011/#comments Tue, 21 Dec 2010 17:31:33 +0000 Aurélien Viers http://owni.fr/?p=39808 Bon, c’est vrai, le titre est facile, mais vous connaissez un titre davantage Google-Facebook-Twitter-friendly pour cette fin d’année ?

Ni prédictions, ni révélations ici, mais une synthèse non exhaustive des idées lues, vues, entendues en cette fin d’année sur les blogs et dans les conférences (notamment Rencontres RSLN, LeWeb, news:rewired), par Citizenside

On aurait pu titrer en parlant de “mots-clés”, mais c’est so 2008.

1/ SEO journalism, ou le journalisme d’autocomplétion

Écrire et titrer pour Google ? Oui, plus que jamais. Google reste le premier réflexe du public pour chercher des infos.

Des spécialistes interviennent dans les rédactions pour aider les journalistes à mieux référencer leurs articles, comme Masha Rigin de TheDailyBeast.com, invitée par l’École de Journalisme de Sciences Po (merci à Alice Antheaume pour son récit de la journée).

La production d’infos va croissante – 600 nouvelles entrées par jour pour le Huffington Post – d’où la nécessité d’apparaître dans les premiers résultats des moteurs de recherche.

Les journalistes peaufinent le titre que vous avez envie de lire. Rien de plus facile avec Google Instant.

Exemple : un site britannique cherche comment traiter la mort du comédien Leslie Nielsen. Malcolm Coles de Digital Sparkles explique la stratégie employée pour attirer le plus grand nombre de visiteurs [en].

Premier réflexe : chercher quels sont les mots-clés les plus recherchés dans Google par les internautes autour de la mort de Leslie Nielsen à ce moment précis.


Les mots-clés les plus recherchés par les internautes sont bien sûr “Leslie Nielsen dies, Leslie Nielsen dead”, mais le troisième est plus intéressant : Leslie Nielsen quotes.

Les journalistes décident alors de titrer et d’angler un article : “Leslie Nielsen dies, his 10 best quotes”. Il a reçu des milliers de visites.

On pourrait qualifier ces pratiques de journalisme d’autocomplétion. Vous cherchez une info ? Les journalistes ont déjà la réponse.

De nouveaux outils [en] apparaissent pour aider les journalistes à mesurer les tendances en temps réel sur les réseaux sociaux, comme Surchur.

En France, les brillants ingénieurs de The Metrics Factory annoncent le lancement imminent d’un outil de mesure de la recommandation sociale sur Facebook.

Faut-il s’alarmer de cette vision éditoriale très marketing (l’offre doit correspondre à la demande), cette “content farmisation des contenus”, ou se réjouir de pouvoir apporter la bonne info au bon moment ? Le débat est ouvert.

2/ Analyse des données pour mieux comprendre ses visiteurs, ou reader-centered journalism

“Connaissez mieux vos lecteurs !” C’est l’une des injonctions entendues le plus souvent à la conférence news:rewired [en], organisé par Journalism.co.uk

Des tonnes de données sont disponibles pour mieux comprendre le parcours d’un visiteur [en], ses habitudes, ses centres d’intérêt.

“Utilisez ces chiffres pour fidéliser votre lectorat et le faire revenir”, déclarait en substance Joanna Geary, chef de projet et community manager au Times à la conférence news:rewired.

Les algorithmes – très efficaces – d’Amazon étaient pris en exemple. On pourrait envoyer des notifications au lecteur pour lui suggérer de lire tel ou tel article, en se fondant sur ses lectures passées, celles de ses amis, celles de profils similaires au sien.

Au passage, les journalistes de NewsCorp se sont évertués à défendre la stratégie du modèle payant entreprise par leur patron, Rupert Murdoch. Avec des arguments plus ou moins pertinents – “Quand vous achetez une bouteille de lait, on ne dit pas que le magasin a érigé un mur payant ?”. Mais imagine-t-on un commerce faisant fuir 99% [en] de ses clients ?

Cependant, du point de vue de la communauté, le Times a gagné en qualité ce que le site a perdu en audience. Selon Joanna Geary, de l’autre côté du mur (payant), les lecteurs du Times sont heureux. Ils participent, commentent, ont le sentiment d’appartenir à une élite, à un club. Une petite mais belle communauté, déjà évoquée par Benoît Raphaël.

Les sites doivent s’en inspirer pour “chouchouter” leurs lecteurs les plus fidèles, les plus attachés au titre. Les journalistes doivent-ils se soucier de marketing ? Oui, leur marque, leur titre n’a qu’un seul actif : sa réputation, et l’affection qu’on lui porte.

3/ Valorisation des lecteurs

Les médias doivent fournir les meilleures infos à leurs lecteurs, les meilleurs services à leurs fans.

Il faut s’appuyer sur le noyau dur de votre communauté pour faire remonter les alertes, tester de nouvelles fonctionnalités, recueillir leurs impressions. En retour, ces ambassadeurs reviendront encore plus souvent sur le site, parleront de votre titre autour d’eux, vous défendront en situation de crise.

À nos plus fidèles lecteurs, le pouvoir.

Celui de pouvoir participer librement sans modération a posteriori, comme le fait Reuters [en]. Celui de modérer eux-mêmes la communauté, d’alerter les journalistes sur les meilleures contributions, de signaler des problèmes [en], d’apporter des URL et créer du lien.

Ingénieurs et journalistes doivent confectionner de nouveaux outils pour identifier les lecteurs les plus assidus, aux contributions de qualité – bref, ceux qui apportent le plus à votre site. Il faut ensuite leur bâtir un club sur mesure (je pense notamment au club de Mediapart), au sein du site – et non à l’extérieur.

Au tout début était le mythe – celui du journalisme citoyen. Le lecteur ? Potentiellement un dangereux concurrent. Tout le monde allait participer, l’info serait faite par tous. La presse tremblait.

C’était en 2005, YouTube naissait.

En 2010, j’ai entendu un responsable d’un gros site d’infos rappeler que 98% des visiteurs ne laissaient jamais de commentaires. Concentrons-nous sur les 2% restants et valorisons-les à hauteur de leur apport. 2%, ce n’est pas énorme en terme de ratio, c’est bien souvent immense en volume.

4/ Le social gaming pour valoriser sa communauté

En quoi les jeux vidéos et des services comme Foursquare peuvent-ils aider les médias ? A priori, aucun rapport. Sauf pour mieux dialoguer, comprendre, fidéliser, valoriser et parler le même langage que ses lecteurs, habitués à ces nouveaux codes. Des fonctionnalités a priori indispensables pour des sites participatifs.

Le HuffingtonPost a ainsi instauré un système de badges [en] pour distinguer ses lecteurs les plus actifs – en partageant notamment les billets et articles du site avec leur entourage.

À Citizenside, nous travaillons également sur un nouveau système pour distinguer les meilleurs contributeurs – et au final leur donner davantage de pouvoirs et privilèges concernant l’administration du site et l’animation de la communauté.

Les jeux en réseaux, boostés par Facebook, amorcent une vraie révolution. Autant s’inspirer dans ce nouveau monde des meilleurs exemples [en] pour fidéliser, valoriser sa communauté, voire dans le futur vendre ses contenus/abonnements.

5/ News + social Gaming, ou le jeu informatif

“Stop telling stories !” Le cri du cœur vient de Philip Trippenbach, de la BBC. “Une manifestation, ça se raconte. Pas le changement climatique. Le changement climatique, ça se comprend”, déclamait Trippenbach lors d’une superbe présentation [vidéo, en] à news:rewired.

L’homme se définit à la fois comme journaliste, “interactive producer” et créateur de jeux.

Comment faire comprendre les enjeux d’une crise financière autrement que par une série d’articles techniques ? En impliquant le lecteur. En le faisant jouer avec le système [en], comme on jouerait avec un roulement à billes pour en comprendre le mécanisme. En piquant sa curiosité, en lui permettant de s’approprier progressivement toutes les notions.

Dans les tuyaux du labo de la BBC [en] : un vaste jeu pour comprendre les classes sociales au Royaume-Uni mêlant sondage, étude [en] épaulée par des sociologues, reportages, récit interactif et surtout une visualisation – annoncée comme inédite – de la masse de données recueillies.

Autre exemple de “jeu informatif” cette année, celui du Guardian, qui vous mettait dans la peau d’un ministre du Budget [en] chargé de coupes claires dans les comptes de la nation.

6/ La recommandation pour diffuser l’info et interagir avec le lecteur

Plus que jamais, la recommandation est mère de viralité.

Avant on envoyait un article à un ou deux amis. Puis le “like button” de Facebook est apparu. Un clic, et vos 130 amis sont ravis d’apprendre que vous recommandez cet article incontournable [en].

Pour les sites, il s’agit de passer d’une stratégie “Google-friendly” (SEO, Search engine optimization) à une stratégie Facebook-friendly, facilitant la recommandation (SMO, Social media optimization). Jusqu’à l’overdose ?

CNN a produit une étude passionnante [en] pour démontrer le pouvoir de la recommandation concernant les sites d’infos, comme l’évoquait Gilles Bruno.

Les internautes ont plus tendances à cliquer sur les liens suggérés par leurs amis – pour certains reportages diffusés en ligne, 80% du trafic vient des réseaux sociaux. Un seul lecteur a amené 5.000 visiteurs à visionner une vidéo sur le site de CNN.

Dingue. Et ce n’est qu’un début : on annonce la télé connectée à Facebook [en], pour voir ce que vos amis recommandent de regarder.

Facebook recommande les médias, Facebook aime les médias.

De leur côté, les médias doivent imaginer de nouvelles formes d’écriture, interagir davantage avec les lecteurs (une page sans like ni commentaire est contre-productive pour Facebook), créer de nouveaux postes (social media manager, par exemple), utiliser de nouveaux outils et applications de veille/animation sur les réseaux (Hootsuite, TweetDeck, Seesmic, mais aussi Tigerlily [en]…).

7/ “Plus mon réseau sera vaste, mieux je serai informé”

Dans la vie de tous les jours, c’est une évidence. En ligne, aussi. Quand je cherchais une info, je demandais à la grande pythie, un algorithme me répondait.

Aujourd’hui de nouveaux moteurs de recherche vont propulser en premier les résultats déjà trouvés, recommandés par votre communauté, vos contacts plus ou moins proches.

Prenons LinkedIn. Le réseau social professionnel permet de chercher des contacts dans votre deuxième cercle (les contacts de contacts), le troisième… encore faut-il que votre premier réseau soit le plus étendu possible.

Le social graph vu par Facebook n’a pas fini de bouleverser notre accès à l’information ; l’association de Bing avec Facebook [vidéo, en] s’avère prometteuse. Comme le tout nouveau Quora.

Ceux qui ont le plus grand réseau [en] seront avantagés dans la recherche d’information, d’angles et de contacts. Le fossé risque de se creuser dans les rédactions entre les networked journalists et les rétifs aux réseaux, en ce qui concerne notamment le fact-checking.

Le journaliste doit aujourd’hui maîtriser les réseaux, demain naviguer entre les communautés. Des moteurs nouvelle génération permettront de scanner les niches et trouver plus facilement ceux qui font autorité dans leur microcosme.

À voir : Research.ly, qui permet d’affiner sa recherche par communautés et conversations en temps réel. Après le graphe social, Brian Solis annonce l’arrivée du graphe d’intérêts.

8/ Tous curators

Réduire le bruit et sélectionner, trier, des milliers de nouveaux liens tous les jours, les recontextualiser, tel est l’enjeu de ce nouveau sport en vogue aux États-Unis.

Pour les journalistes comme pour les blogueurs et lecteurs éclairés, cela passera par de nouveaux outils comme Storify [vidéo, en], ou encore Scoop.it. Voir le résumé éclairant de la conférence de Brian Solis par Éric Scherer.

9/ Socialiser le live-blogging

Au nom de la langue française, je m’excuse pour ce titre. Le récit d’événements en temps réel fonctionne bien avec des applications comme CoveritLive, largement utilisée en 2010.

L’étape d’après ? Peut-être à chercher du côté d’applications comme ScribbleitLive. Souple, personnalisable, ergonomique, ce service a par exemple permis à une rédaction à Bangkok de couvrir en un clin d’œil les émeutes des chemises rouges, aux fans d’une chaîne de sport de commenter un match en direct. Pour les sites sportifs, ce genre d’application est une aubaine (fidélisation, temps passé, etc.)

Par ailleurs, les créateurs de ScribbleitLive annoncent le lancement d’une plateforme de syndication des articles en temps réel et un outil “d’article vivant”, aidant le journaliste à diffuser du contenu entre le moment où l’angle est défini et le moment où l’article est diffusé.

10/ L’hyperlocal, enfin ?

2011, l’année de l’hyperlocal ? Comme on l’annonçait déjà en décembre 2006, 2007, etc. ?

Un seul bémol : le site Patch.com, qui commence à mettre tout le monde d’accord aux États-Unis, surtout en embauchant 30 journalistes par semaine, à des tarifs beaucoup plus élevés que les “fermes à contenus”.

Le modèle ? S’installer uniquement au sein de communautés déjà constituées, dans des quartiers à l’identité forte, des journalistes travaillant le réseau de fidèles, des infos en temps réel, des bons plans et des pages jaunes éditorialisées.

Déjà 600 sites locaux créés, qui s’articulent au niveau régional et national.

Voir l’article très complet d’Emma Heald [en] sur Editors Weblog.

11/ Journalisme de données : ce n’est qu’un début

Une abondante littérature a déjà été écrite sur le sujet. Vous me direz : pourquoi écrire sur ce thème ? Parce que j’avais promis onze tendances.

En bref :

- À news:rewired, on évoquait le “linked data” [en, 3e paragraphe] : recontextualiser les données, les rendre encore davantage intelligibles pour mieux comprendre un système. Le travail d’OWNI sur les Iraq Warlogs a bien sûr été souvent cité [en].

- Autre constat : les datajournalists au Royaume-Uni semblent à première vue plus nombreux qu’en France, et commencent à ressembler à une petite confrérie, avec ses rencontres, ses événements, et sont en poste dans de nombreux titres. Il n’existe pas encore de formation ad hoc – tout comme en France – les journalistes interrogés se sont tous révélés des autodidactes.

- Le nombre d’applications développées par le Guardian autour du datajournalism cette année donne le tournis. Le site vient d’ailleurs de lancer une section dédiée au datajournalism [en]. La participation et la curation sont bien sûr dans l’ADN de cet espace.

On ne peut que constater un décalage croissant entre le rythme des innovations au sein des sites de news britanniques et l’Hexagone….

Sinon, en terme de tendances dans l’air du temps, vous avez remarqué quoi ?

Écrire court ? Oui, je sais.

Billet initialement publié sur Citizenside blog

Image CC Flickr Matthew Burpee et Mike Licht, NotionsCapital.com

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http://owni.fr/2010/12/21/journalisme-et-reseaux-sociaux-11-tendances-pour-2011/feed/ 10
Tu seras Community Manager (en agence), mon fils http://owni.fr/2010/10/27/tu-seras-community-manager-en-agence-mon-fils/ http://owni.fr/2010/10/27/tu-seras-community-manager-en-agence-mon-fils/#comments Wed, 27 Oct 2010 07:27:19 +0000 CM anonyme http://owni.fr/?p=33611

[Préambule de Cyroul au billet, qu'il a accueilli sur son blog] Voilà un article écrit par un CM qui a décidé de ne pas dévoiler son nom pour des raisons professionnelles. Il ne s’agit pas du même anonyme que pour l’article sur le digital, paillasson de la publicité ; ici nous explorons le monde formidable des Community Managers en agence de pub. Car ce n’est pas facile d’être blogueur et Community Manager dans un monde où la marge est reine, et où le respect de ses clients n’existe pas vraiment. Mais je laisse la parole au Community Manager Anonyme qui vous racontera ça mieux que moi.
PS : si vous avez des remarques à faire au CM anonyme, faites-les en commentaire, ou envoyez-les moi et je transmettrai.


Article imaginaire et je l’espère un petit peu drôle, tiré d’une agence imaginaire avec des protagonistes imaginaires, et avec un procédé honteusement inspiré de Maître Eolas et de son stagiaire, ce qui n’est que pure admiration de ma part.

Dans cette Agence, ils vendent du Community Management à leurs clients

Dans cette Agence, ils vendent du Community Management à leurs clients, parce qu’ils veulent tous une page Facebook et un compte Twitter, ou bien parce qu’un des commerciaux les aura convaincus qu’il fallait y aller avant leurs concurrents. Du coup ils recrutent toujours de nouveaux stagiaires pour animer ces pages, parce que, avouons-le, cela ne coûte pas grand-chose, et cela leur permet de marger dessus.

Un lundi, un Account Manager Social Media Consultant Confirmé accueille un nouveau stagiaire, sympa, frais, disponible, souriant, avec un tee-shirt de geek acheté sur Internet. Il doit donc le former et commence à lui expliquer sa mission en tant que Community Manager. Dans l’agence, son titre c’est Assistant Account Manager Social Media, mais Community Manager reste plus sexy pour l’extérieur. Lui est heureux et enthousiaste d’être devenu CM, métier qui fait bien dans sa bio Twitter s’il en est.

“Aujourd’hui on va ouvrir une page fan sur Facebook pour notre client, et tu vas t’en charger”

« Bon, mon petit, aujourd’hui on va ouvrir une page fan sur Facebook pour notre client, donc tu vas t’en charger. L’image d’avatar et les textes d’intro sont sur le serveur, c’est l’ancien stagiaire qui t’a préparé ça, mais pour la prochaine page que tu gèreras, tu devras le faire toi-même. »

Il part s’exécuter, guilleret, le cœur léger, heureux d’avoir ses premières attributions de Community Manager. Il revient ensuite vers son manager :

« Dis, comment je fais pour avoir des fans maintenant ?
- Ah, mais c’est tout simple ! Il suffit d’inviter tous tes amis !
- Mais en quoi mes amis sont tous intéressés par des pièces détachées de voiture ? Ils n’ont pas le permis pour la plupart…
- Tu te souviens de ton entretien ?
- Euh… Voui…
- Je t’ai demandé si tu étais blogueur tu te souviens ?
- Oui mais c’était pour savoir si je connais bien les médias sociaux !
- Mais non on s’en fout de ça, tout le monde est un expert en médias sociaux aujourd’hui, il suffit de lire les articles de liste qu’on voit tourner sur Twitter tous les jours. La réalité, c’est que comme tu es blogueur, tu as des amis blogueurs, donc tu vas les inviter à devenir fans de la page et comme ils sont influents, des gens de leur réseau, ceux qu’ils influencent tous les jours vont devenir fans.
- Mais je ne vois pas pourquoi ils accepteraient s’ils ne connaissent pas le produit…
- Mais parce que bientôt toi aussi tu vas recevoir des invitations à devenir fan de tout et n’importe quoi sur Facebook, de la part de tes potes blogueurs, tu crois que tu es le seul Community Manager de la place ?
- Mais c’est artificiel comme procédé non ? En quoi ça apporte quelque chose à la marque d’avoir des fans qui s’en foutent du produit ?
- Tu comprends rien toi, ce sont des influenceurs, on va créer le buzz ! »

Quelques semaines plus tard, le département social media de l’agence reçoit un brief

Quelques semaines plus tard, le département social media de l’agence reçoit un brief pour une nouvelle gamme de yaourt. Le client veut des ambassadeurs pour « promouvoir sa marque sur les médias sociaux ». L’Account Manager Social Media Consultant Confirmé décide de confier cette reco à son stagiaire et lui indique la marche à suivre.

« Bon alors une stratégie d’ambassadeurs ce n’est pas compliqué, on va faire une chouette soirée et inviter des blogueurs. Du coup ils vont en parler sur leur blog et on enverra les liens au client.»

Devenez fan du yaourt au lait de brebis bio des Pyrénées Gisèle et Raymonde.

Ce sont les aléas de la vie d’agence, mais après la présentation de la reco du stagiaire par les bons soins de l’Account Manager Social Media Consultant Confirmé, le client annonce qu’il n’a pas le budget pour une soirée. Forcément, ils lui ont expliqué qu’il n’aurait personne s’il n’y avait pas un peu d’alcool à boire et des sushis à picorer, pas uniquement du yaourt aux fruits à manger avec du yaourt liquide à picoler.

L’Account Manager Social Media Consultant Confirmé explique donc à son stagiaire la marche à suivre pour quand même prendre le budget.

“On va en faire cadeau aux blogueurs pour qu’ils en parlent”

« Bon ce qu’on va faire, comme ils ont du yaourt à revendre, on va en faire cadeau aux blogueurs pour qu’ils en parlent.
- Ils vont faire un billet pour une boîte de yaourt ? T’es sûr ?
- Oui, bon tu as raison, on va leur dire qu’on en a plus et qu’ils peuvent en faire cadeau à leurs lecteurs.
- Cadeau aux lecteurs ?
- Ouais en faisant un concours, c’est une vieille ruse de Community Manager, comme ça il y a plein de commentaires, car les lecteurs de blog adorent les cadeaux, et c’est bien ça, ça fait de la conversation, le client sera content.
- Mais ce n’est pas un peu du sponso déguisé ?
- Roh, t’es pénible, le sponso on paie les gens pour faire un billet, là on fait un cadeau c’est pas pareil.
- Ah. »

Si avec ça le blogueur z'influent vient pas causer de mon yaourt aux fruits...

Voyant qu’il n’était pas très à l’aise avec ce procédé, il décide de ne lui confier que la partie de propositions de blogs. Encore une fois, il revient vers lui :

« Dis, j’arrive pas à trouver beaucoup de blogs qui parlent de yaourt…
- Mais pourquoi tu cherches ça ? Non, je veux juste des blogueurs qui font beaucoup d’opérations blogueurs, ce sera facile à mettre en place. T’en as pas dans tes copains blogueurs ?
- Euh, non. Mais, des blogs qui font que des opés blogueurs, ils sont lus par des vrais lecteurs ?
- Oh, on gonfle un peu les stats pour le client, mais sinon bien sûr qu’ils sont lus, tu crois quoi ?
- Qu’il n’y a aucun intérêt à lire un blog qui ne parle que des marques qui prennent soin de lui ?

“Les blogueurs, ce sont des influenceurs, c’est pour ça que les marques leurs envoient des cadeaux”

- Écoute, je crois que tu comprends rien au métier, les blogueurs, ce sont des influenceurs, c’est pour ça que les marques leur envoient des cadeaux. Du coup ils parlent de la marque et tout le monde est gagnant : le lecteur qui est bien conseillé, le blogueur, qui est bien soigné, et la marque est bien promue avec des ambassadeurs et de la conversation. Notre but en tant qu’agence, c’est de nous constituer un pool de blogueurs qui viennent en priorité à nos événements et sont les ambassadeurs de nos clients.
- Mais à terme ça va se voir non ? Qu’on utilise toujours les mêmes vendus, et ni les marques, ni les blogueurs n’en sortiront gagnants… »

L’Account Manager Social Media Consultant Confirmé avait abusé du café ce jour là, plus que d’accoutumée et s’est exclamé :
« Continue de contester comme ça et je n’appuierai pas ton embauche en fin de stage. Et ouais, tu ne seras jamais Account Manager Social Media Junior ici ! »

Mal lui en a pris, le stagiaire n’est jamais revenu et il a dû écumer à nouveau tout Twitter pour en trouver un nouveau.

Billet initialement publié chez Cyroul

Image CC Flickr Graffiti Land, threefishsleeping et Premier Packaging

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http://owni.fr/2010/10/27/tu-seras-community-manager-en-agence-mon-fils/feed/ 13
Accroche-toi au pinceau de la contribution, j’enlève l’échelle de la participation http://owni.fr/2010/10/20/accroche-toi-au-pinceau-de-la-contribution-jenleve-lechelle-de-la-participation/ http://owni.fr/2010/10/20/accroche-toi-au-pinceau-de-la-contribution-jenleve-lechelle-de-la-participation/#comments Wed, 20 Oct 2010 16:30:55 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=32131

Prologue

Web “participatif”, “collaboratif”, “contributif”, voilà 3 termes qui, depuis l’avènement du web dit “2.0″ sont souvent indistinctement et abusivement employés.

D’après le trésor de la langue française :

  • la “contribution” peut être définie comme la “part apportée à une œuvre commune“. En l’occurrence, cette œuvre commune sera constituée par le web
  • la “collaboration” est “la participation à l’élaboration d’une œuvre commune

La proximité sémantique des deux termes est évidente, même si dans le contexte du web 2.0 il est possible d’envisager des formes de collaboration non-nécessairement contributives. La collaboration relèverait alors davantage de l’engagement, et la contribution, de l’action.

  • la “consultation” est “l’action de consulter quelque chose, de l’examiner pour y chercher un renseignement, une information, une indication“. Toute dimension d’altruisme ou de construction d’un but ou d’une œuvre commune est ici évacuée au profit de pratiques qui pour être solitaires ou égo-centrées ne sont pas pour autant nécessairement honteuses ou blâmables.
  • La “participation” est “l’action de participer à quelque chose” en – deuxième sens – “manifestant une adhésion, une complicité, une conscience d’ordre intellectuel

L’échelle “social technographics” du cabinet Forrester est un outil précieux qui permet de mieux qualifier les différents modes d’interaction en ligne et d’observer leur évolution au fil du temps.

Les 3 échelles retenues pour les besoins de ce billet datent du 4ème semestre 2006, du 4ème semestre 2009 et, pour la plus récente, du second semestre 2010.

La première correspond au moment où ce nous nommerons le “volet social” du web a réellement commencé à s’installer dans les usages, comme le rappelle Wikipédia dans sa page consacrée au “web 2.0″ :

  • Cette expression utilisée par Dale Dougherty en 2003, diffusée par Tim O’Reilly en 2004 et consolidée en 2005 avec le position paper « What Is Web 2.0 » s’est imposée à partir de 2007.

Voici ces trois échelles

Celle de 2006, correspondant donc aux débuts du web social.

Celle de 2009 …

En enfin la dernière en date, du second trimestre 2010.


Et pour une vision plus synthétique, voici les 3 rassemblées sur la même image (cliquez pour l’agrandir).

Cadre d’analyse

Au regard des définitions données au début de ce billet :

  • Nous définirons comme “contributifs” les comportements en ligne les plus qualifiés (en terme de compétence ou de niveau d’interaction) et s’inscrivant dans une logique de production de contenus originaux.
  • Nous définirons comme “participatifs” les comportements en ligne se résumant à des opérations documentaires apparentées à l’indexation, au commentaire ou à l’amélioration (wiki par exemples) de ressources existantes. La logique à l’oeuvre est alors une logique de post-production
  • Nous définirons comme simplement “consultatifs” les comportements en ligne à seule visée exploratoire, c’est à dire apparentés à l’acte de lecture. La logique à l’œuvre est alors une logique – littérale – de consommation.

Soit le résultat suivant :

Interprétation

Dans le cadre d’une échelle croissante d’interaction enrichies, l’interprétation qui peut-être faite est la suivante.

Nous disposons d’un web à trois niveaux distincts d’interaction :

  • Le web “consultatif” qui regroupe les “joiners” et les “spectators”
  • Le web “participatif” qui regroupe les “collectors” et les “critics”
  • Le web réellement “contributif” qui regroupe les “creators” et les “conversationalists”.

Trois niveaux auquel il convient d’ajouter ceux que cette typologie ne concerne aucunement, c’est à dire les “inactifs”.

Observations générales

(À noter que pour la suite des opérations j’ai, à l’aide de vieux souvenirs de produit en croix, ramenés les pourcentages “relatifs” de l’étude de Forrester en pourcentage “absolus”, c’est à dire que j’ai fait en sorte que la somme des différents segments soit ramenée à 100%)

Les points saillants de l’analyse de ces données croisées sont les suivants :

  • la part des inactifs, dominante aux commencements du web 2.0, s’est drastiquement réduite pour se stabiliser et ne plus concerner qu’environ 7% des internautes.
  • Le web “participatif”, même s’il est en très légère baisse, conserve une part relativement constante, à hauteur d’un peu plus de 20% des usages
  • Le web “consultatif” explose en passant de 34 à plus de 50% des usages et semble stabilisé à cette hauteur.
  • La part du web “contributif” est, proportionnellement, celle qui augmente le plus en étant presque multipliée par 3, passant de 8% en 2006 à plus de 21% en 2010.

Dit autrement

  • de plus en plus d’internautes sont “impliqués”, même si cette implication est, pour moitié, à seule visée consultative (activité de lecture)
  • le web “participatif” qui rassemble les activités documentaires (ou méta-documentaires) d’indexation (collaborative ou non – folksonomies), de commentaire, de vote qualitatif, ou d’écriture collaborative sur des contenus produits par d’autres, est constant depuis 2006, et stabilisé autour de 20%
  • les usages réellement “contributifs” de publication, de mise en ligne de contenus et d’activité “profilaire” ou visant à initier des conversations sur différents types de réseaux sociaux, sont, eux, en nette progression et stabilisés, depuis 2009, à hauteur de 20%
  • au sein même de ces usages réellement contributifs, les “créateurs” (de contenus) sont 40% et les “conversationalistes” 60% (les conversationalistes se caractérisant par leur activité sur les réseaux sociaux, et pouvant à ce titre être considérés comme des “créateurs de conversations”)

Et donc ?

Cette stratification des usages donne à lire à la fois la granularité des médias (réseaux sociaux, blogs et micro-blogs, etc) comme une clé de répartition des niveaux d’interactions, mais elle esquisse également les contours d’une pyramide qui pourra peut-être un jour être considérée comme un invariant de la qualification des activités en ligne, avec une moitié de la population connectée qui se contente d’une simple consultation, des créateurs de valeur ajoutée autour de 20% et des créateurs de contenu au même seuil (20%). Un résultat à lire à la lumière d’une autre analyse quantitative portant sur la nature des coopérations à l’œuvre, en particulier celle des coopérations faibles.

Cette stratification des usages donne aussi à réfléchir sur les leviers qui restent à inventer si l’on veut que le web ne devienne pas uniquement une nouvelle télévision dans laquelle quelques-uns inventent les contenus que quelques autres décideront de produire et que l’ensemble des autres absorbera plus ou moins passivement, c’est à dire si l’on veut maintenir ou augmenter la part réelle des usages contributifs et participatifs. De ce côté-là, c’est peu dire qu’il reste des choses à inventer, et des gens à former :-)

Une nouvelle grammaire documentaire universelle ?

Ce qui me frappe dans tout ça ce sont les 20% de “participatifs”, les “collectors” et les “critics” dont l’activité essentielle est de nature intrinsèquement documentaire. En parallèle des 20% de créateurs. Un monde, celui du web, dans lequel on compte autant de gens qui produisent de contenus que de personnes exerçant sur lesdits contenus une activité de nature documentaire. Un monde à l’équilibre entre ceux qui exercent une autorité (au sens “d’auteur”) et ceux qui “balisent”, qui “labellisent”, ceux qui autorisent nos parcours, qui supportent nos navigations. Pas encore une “intelligence collective” (au sens de Pierre Lévy), mais déjà, à tout le moins, les bases d’une nouvelle grammaire documentaire collective et universelle.

Un monde dans lequel, comme le dit Bernard Stiegler (ici), (presque) tout le monde “produit des méta-langages“, mais sans le savoir, à la manière d’un monsieur Jourdain de la documentation. Un monde qu’il importe (Stiegler encore) “d’accompagner vers sa majorité au sens de Kant“, en lui fournissant “les outils permettant d’instaurer un regard et une distance critique” sur ces méta-discours, sur ces méta-activités documentaires permanentes, rémanentes.

Surtout, un formidable “terrain” scientifique pour la science de l’information.

Relire Barthes (Critique et vérité, Paris, Seuil, 1966) : “Le Moyen-Age, lui, avait établi autour du livre quatre fonctions distinctes : le scriptor (qui recopiait sans rien ajouter), le compilator (qui n’ajoutait jamais du sien), le commentator (qui n’intervenait de lui-même dans le texte recopié que pour le rendre intelligible), et enfin l’auctor (qui donnait ses propres idées en s’appuyant toujours sur d’autres autorités).” Remplacer “le livre” par “le web”, et prendre de temps de mesurer et de qualifier le réagencement de ces énonciations documentaires fortement ou faiblement contributives / participatives / collaboratives.

Attention cependant, il n’est nullement question de sombrer dans l’irénisme. A côté ou plus exactement à l’envers de ce web contributif et participatif, progresse également l’ombre d’un monde que caractérise “la montée hors limite d’une société panoptique, info-totalitaire et crypto-fasciste, à l’échelle mondiale” (Philippe Quéau). Un monde où le partage est légitime, et que légitime un probable “surplus cognitif” (Clay Shirky), mais dans lequel, également, la menace d”une “clôture des idées” (Philippe Quéau encore) n’a jamais été aussi grande.

>> Article initialement publié sur Affordance

>> Illustrations FlickR CC : DailyPic

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