La sitcom américaine lancée en 2007 sur la chaîne CBS, devenue depuis très populaire en France, met en scène quatre scientifiques geeks et surdoués et leur jolie voisine, aspirante actrice. Le générique de la série, faisant écho à son titre, résume en une centaine d’images défilant rapidement une “Histoire du monde” à partir du Big Bang.
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Ce set d’images ressemble beaucoup à celui, compilé et analysé par André Gunthert, des loltoshops apparus sur le web en Novembre 2009 suite à “l’affaire” Sarkozy et la Chute du Mur (voir ici également). De la même manière cette sélection d’images marquantes ou reconnaissables, propose un condensé métonymique de l’Histoire. On y retrouve ainsi, comme dans les montages français, les dinosaures, l’Homme de Vitruve ou Neil Armstrong.
Cependant, à la différence de la production amateure et collective que fut l’ensemble des montages photos de #sarkozypartout, celui-ci est une production visuelle destinée à être diffusée comme une séquence cohérente et animée. Et là où le premier mêle le noir et blanc et la couleur sans ordre, le second s’enchaîne selon une progression allant de l’un à l’autre en passant par le sépia, et donne ainsi l’illusion d’une progression dans le temps. Avec cet artifice efficace, basé sur une sorte de “réflexe visuel”, la matérialité de l’image, son histoire, s’efface, et son contenu s’intensifie. Ainsi la photographie de très bonne définition d’un singe sert-elle à évoquer la préhistoire, et un photogramme (probablement tiré d’une version du Monde Perdu) évoque les dinosaures au même titre qu’un dessin rappelant fortement les figurations du XIXème siècle.
D’autre part, la comparaison de ces deux séries d’images révèle la différence entre les représentations visuelles française et américaine de l’Histoire. La série américaine, si elle partage certaines images emblématiques avec celle produite par les internautes français, se différencie d’abord par l’importance accordée aux périodes historiques : la préhistoire et l’Histoire Ancienne y sont représentées par 24 images (c’est-à-dire un quart du total) alors que le Moyen Age et la Renaissance sont confusément mêlés avec un Homme de Vitruve antérieur à Jeanne d’Arc. Puis, là où les français semblent avoir privilégié le XXème siècle, les américains insistent sur le XIXème.
Seconde différence notable, l’accent mis sur l’histoire du continent américain (civilisations pré-colombiennes, Pilgrim Fathers, conquête de l’Ouest, Lincoln,etc.) On peut également remarquer que face à l’eurocentrisme de la série française, on trouve dans les images du générique plusieurs mentions de l’histoire de l’Orient (la Grande Muraille, le Taj Mahal, une statue de Shiva). Puis l’évocation de l’époque contemporaine et de la culture populaire est très significativement étasunienne. On retrouve entre autres Hollywood, l’Empire State Building, la culture hip-hop et les sports de glisse (skateboard et snowboard) à la place de l’équipe de France de football où Sarkozy avait été incrusté.
Notons, enfin, l’absence de l’évocation des temps bibliques, qui avaient été largement représentés dans les montages photos de Sarkozy. Elle s’explique par le thème de la série The Big Bang Theory, qui comme son nom l’indique (plus ou moins) touche au monde scientifique ; l’Histoire résumée par le générique se veut donc une histoire “scientifique” de notre monde. Thème s’illustrant dans la séquence par des icônes de l’imaginaire des sciences, des images de microscope pour figurer l’apparition de la vie sur Terre, une ampoule évoquant la découverte de l’électricité ou encore Albert Einstein et deux images plus loin sa célèbre formule E=MC2 sur un tableau noir.
Malgré ces différences, on voit bien se dessiner un motif commun aux deux ensembles, une manière de donner à voir l’Histoire à travers des icônes et des emblèmes. Si l’on tape “histoire du monde” dans Google Images on retrouve la “Marche de l’Homme”, Jésus, des cartes anciennes, des tableaux célèbres et des monuments (plus un petit dino en page 8). Je ne sais pas s’il y a un nom pour ces résumés visuels de l’Histoire du monde, mais il me semble qu’il pourrait s’agir d’une forme en soi à qui un inconscient culturel collectif donne ses références.
>> Illustration FlickR CC ntr23
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