Billet initialement publié sur OWNI.eu ; tous les liens sont en anglais.
La « Hansard Society » vient de sortir un nouveau rapport intitulé « Genres et politiques numériques » («Gender And Digital Politics ») dans lequel, selon le communiqué de presse, les trois auteurs (tous des hommes) s’interrogent :
Pourquoi les blogs politiques sont-ils dominés par les hommes ?
Ceux qui suivent ce blog depuis un certain temps n’auront aucune difficulté à deviner ma réponse à cette question…
« Hmm, vraiment je ne pense pas que ce soit le cas, à mon avis, le fondement de ce rapport est biaisé. »
En fait, j’irai même plus loin pour dire, une fois de plus, que je ne pense pas que le problème vienne d’un manque de participation des femmes dans la blogosphère politique. Le problème a plutôt à voir avec la façon dont les hommes qui composent la « bloquosphère » (jeu de mot de l’auteur sur blogosphère et bloquer, ndlr) définissent ce qu’est vraiment le blogging politique. Et avec la façon dont le blogging féministe est constamment ignoré ou marginalisé et intégré aux catégories « autres », « style de vie », ou « vie féminine ».
Comme pour illustrer mon propos, c’est un tweet de Jane Martinson, la rédactrice du Guardian, qui m’a annoncé la publication de ce rapport :
Cette même Jane Martinson dont l’excellent blog – The Women’s Blog – peut être trouvé sur le site du Guardian (comme tous les articles sur le féminisme publié par le journal) sous la catégorie « Style de vie », au côté des rubriques « mode », « cuisine » et « maison ».
Selon le rapport de l’Hansard :
Nous commençons à voir apparaître une légère différence dans l’utilisation des médias numériques pendant les dernières élections. Cette tendance commence à s’accélérer lorsqu’on s’avance dans l’univers de la politique en ligne. 85% des blogs individuels nominés aux Total Politics Blog Awards de 2010 (qui récompense les blogueurs politiques britanniques, ndlr) étaient tenus par des hommes, et seulement 15% par des femmes.
Et pourtant, comme je l’ai déjà noté sur ce blog, les « Trophées foutage de gueule total » (« Total Bollocks awards ») sont certainement pas représentatifs de l’investissement des femmes dans le blogging politique. Année après année, ils arrivent à ignorer la centaine de bloggeuses féministes britanniques qui contribuent aussi au web. Ces récompenses reposent aussi sur un système de nomination par les pairs, et comme nous le savons tous, lorsqu’il s’agit de blogging, et d’écriture en général, les hommes promeuvent des hommes qui promeuvent des hommes, ad infinitum.
Le rapport conclut :
L’équilibre entre hommes et femmes décroit lorsque le niveau de compétition ou la possibilité de voir apparaître un conflit augmentent ; les femmes sont légèrement plus susceptibles de signer une pétition (un procédé passif) mais considérablement moins susceptibles de se présenter aux élections législatives et sensiblement moins susceptibles de tenir des blogs politiques. Cette brève étude suggère que le déséquilibre hommes/femmes en ligne résulte d’une plus grande exclusion politique, et non numérique. Dans les domaines où les femmes sont actives en politique, elles sont autant susceptibles que les hommes d’être numériquement actives.
Comme on pouvait le prévoir, je ne suis pas d’accord avec cette conclusion. Je pense qu’il existe une exclusion numérique lorsqu’il s’agit des femmes. L’utilisation d’Internet n’est pas interdite aux femmes, mais souvent, les espaces où nous contribuons ne sont tout simplement pas considérés comme étant politique.
À moins que cela ne change et que le féminisme ne soit reconnu comme une question politique plutôt que comme un question de « mode de vie », on continuera de voir des questions comme « pourquoi les blogs politiques sont-ils dominés par les hommes ? » être posées, quand, en réalité, la question devrait être :
pourquoi est-ce toujours aux hommes de décider ce qui est ou n’est pas politique ?
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Illustration CC FlickR par greekadman
Traduction Marie Telling
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