Transformez-vous en hackers
Un e-book sur les débuts des lieux de rencontres des hackers raconte la plus fouillée des histoires sur cette contre-culture. OWNI vous propose de tester vos connaissances. Attention: sujet contagieux.
C’est une histoire qui a commencé du temps des BBS, ces ancêtres des forums de discussion, que raconte Hackerspaces, the beginning [en] : un e-book de plus de 100 pages de textes et d’images sur les hackerspaces, espaces physiques où se réunissent les hackers, ces bidouilleurs qui utilisent les objets dans un but autre que leur usage initial. Une idée folle lancée par deux membres historiques du milieu, Astera et Bre, qui se souviennent :
En décembre 2008, un groupe de hackers était assis par terre, leurs faces illuminées par la lumière du portable naviguant sur Internet et skypant des amis, du death metal en fond.
C’était douze jours avant 25c3 (le congrès annuel du Chaos Computer Club -CCC, [en]-, mythique groupe de hackers allemands). Astera et moi avions une conversation qui a abouti à quelque chose comme :
B : Il devrait y avoir un livre.
A : Oui, il devrait.
B : Nous avons douze jours.
A : Nous pouvons le faire.
Le succès est si fort que les réponses continuent d’affluer durant plusieurs mois. L’échéance du Chaos Computer Club est dépassée, tant mieux, les histoires n’en sont que plus nombreuses.
Histoires au pluriel car le livre compile des articles sur des hackerspaces, envoyés par des membres eux-mêmes. On y découvre les particularités des uns et des autres, entre software (logiciel), hardware (matériel), électroniques, art, etc., le tout sous-tendu d’une dimension politique plus ou moins forte de défenseur des libertés numériques et de la sécurité informatique.
Les lieux ? Souvent des endroits alternatifs, squatt, usine désaffectée et même une ancienne mine [en] ! Les préoccupations sont parfois légères – comment gérer la plaie bien connue des Canadiens : des bottes pleines de neige qui mettent le bazar ? – , plus rarement graves : le hackerspace de Durban, en Afrique du Sud, était surtout préoccupé par la sécurité des lieux, taux de criminalité élevé oblige. Une partie est aussi consacrée aux hackerspaces… sans espace : trouver un lieu pas trop cher et assez vaste pour accueillir une bande de geeks et son matériel parfois conséquent n’est pas une sinécure et les déménagements ne sont pas rares.
Si les termes techniques abondent, c’est bien l’humain qui imprègne ces récits :
Les geeks et les nerds sont souvent représentés assis seuls derrière la lueur d’un écran de portable mais maintenant, dans de nombreuses villes grandes et petites du monde entier, des hackers se rassemblent pour souder de l’électronique, partager des compétences en programmation, enseigner à des classes et construire une communauté de gens intelligents et curieux.
Un véritable changement de fond, comme le souligne le Chaos Computer Club : “C’est une compétition amicale à propos du confort et de la folie qui maintient le CCC jeune et frais.” :
L’idée de hackerspace a énormément contribué à cela et définit fortement le mouvement global des hackers au 21e siècle. Tandis qu’Internet a ouvert la communication intercontinentale, il a en fait fait valoir des espaces de réunions réels, physiques, où vous pouvez mettre un visage sur un e-mail. Alors que le village global a été la vision dès le début, c’est dans les hackerspaces que ce rêve devient réalité.
Le pouvoir de la do-ocracy : faire plutôt que dire
L’humain est primordial car c’est le facteur-clé pour lancer et pérenniser les structures : volonté des individus de mener à bout un projet en dépit des obstacles financiers, administratifs, du manque de temps, de la pluie qui vient foutre en l’air votre matériel, des doutes. La do-ocracy chère aux hackers (littéralement la « démocratie du faire », en opposition au « dire » stérile) en a raison, comme le prouvent ces dizaines de récits. C’est donc dans les deux sens qu’il faut entendre le terme « beginning ». Le message essentiel est limpide, martelé dès l’introduction et repris maintes fois : “Hackers, commencez !”
Un slogan qui a été bien entendu, et continue de l’être : plus de 900 hackerspaces sont actuellement recensés sur tous les continents [en], et chaque mois de nouveau s’ouvrent. À raison de deux à trois pages par lieu, la prochaine version devrait peser son poids :)
Pour les très curieux, plus de détails sur certaines réponses
1-Et non, ce n’est ni l’ex-capitale de la RFA ni la capitale actuelle qui a vu naître le CCC en 1981 mais la plus modeste Hambourg. Il a migré à Berlin peu après la chute du Mur : « Au début des années 90, le temps du changement était venu. Mais cela ne s’est pas passé à Hambourg. Il a eu lieu là où le changement avait trouvé une nouvelle maison : Berlin. » Depuis, il a essaimé dans plusieurs villes de province.
2-La légende raconte que C-Base a posé ses ordinateurs dans les débris d’une station spatiale échouée depuis plus de 100.000 ans. Depuis, les chercheurs du hackerspace essayent de la reconstruire pour qu’elle reparte un jour. Plus sérieusement, c’est bien l’intérieur d’un vaisseau spatial qui a été reconstitué.
3- Hacker Space design Pattern [en] est un document que « tout hackerspace enthousiaste devrait étudier au moins une fois dans sa vie. » Ce texte qui explique comment créer et faire vivre un hackerspace est tiré d’une conférence du Chaos Communication Camp de 2007 [en], et il a depuis été enrichi. Sa structure reproduit celle de Design Patterns [en], consacré lui aux logiciels. L’écho de cette conférence a été considérable puisqu’elle a entraîné une explosion du nombre de hackerspaces.
On y lit des conseils aussi essentiels que : « En tant qu’humain, vous avez besoin de nourriture. En tant que hacker, vous avez besoin de caféine et de nourriture à des horaires bizarres. » « Vous voulez monter un hackerspace dans votre ville tout seul. Vous échouez. »
4-Le Freie ArbeiterInnen Union (FAU) s’est associé au Netzladen [de] pour louer un local. Le FAU et des membres du CCC avaient déjà organisé une manifestation contre la censure sur le Net qui avait eu un grand succès.
5-Le /tmp/lab a été créé en 2007 à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne. « tmp » pour deux raisons : « l’idée de permatemp, le temporaire en place qui reste cependant toujours nomade dans le concept, et la tradition Unix des systèmes ouverts. » Le /tmp/lab a eu le courage de revendiquer le terme hacker, terni par l’histoire du Chaos Computer Club de France, un faux-nez de la DST fondé dans les années 90 à Lyon. Le premier ““hacklab” français, PRINT, avait quant à lui été créé en 2001, à Dijon.
6-Le nom n’a pas été choisi volontairement : « un gars est venu avec un jambon et a dit qu’ils n’étaient pas un Hacklab mais un Hamlab [es] »
7-VerdeBinario [it] a très vite entamé un projet « Trashware » qui consiste redonner vie à des vieux PC et à les revendre à très bas coût à qui veut.
8-Les skinheads n’aiment pas les homosexuels et l’a fait comprendre au net.culture club MAMA. Ceci dit, ces derniers sont aussi anti-nationalistes, la troisième réponse n’était pas incohérente :)
9-Le Club-Mate a donné lieu à toute une série de breuvage plus ou moins corsés. Le Tschunk marie Club Mate, citron « coupé en hexaèdres réguliers », sucre roux, glace pilée et rhum blanc (ou tout autre liquide alcoolisé utile) ; le 42 allie Club Mate, 43 (une liqueur espagnole douce) et glace pilée ; le Mazo“ (se prononce “maso”) mélange Club-Mate et ouzo.
10-Le Ductape [en] s’est réuni pour la première fois en septembre 2008 à Durban. Il est actuellement fermé.
11- Le L0pht, créé en 1992 et fusionné avec la startup @stake, s’était spécialisé dans la sécurité informatique. Un de ses jeux favoris, trouver les failles de sécurité dans les logiciels et le matériel.
12-Leur travail pour dénoncer les failles de sécurité de l’équivalent du minitel allemand, le BTX, leur a valu le surnom de « Robin des bois électroniques ». Pour la petite histoire, ils ont réussi à trouver les mots de passe d’une banque et ont fait un virement en leur faveur du CCC. Puis ils ont révélé le scandale, rendant bien sûr l’argent volé au passage.
13-Il s’agit de NoiseBridge [en]. Il compte parmi ses fondateurs Mitch Altman, le créateur de TV-be-gone, une télécommande universelle qui permet d’éteindre n’importe quel téléviseur.
Photos Rafa Puerta Photo ; Hackerspaces.org, CC Flickr opacity ; rAmAk
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